Le trésor du temple de Melqart:
«Un roman policier historique et futuriste»
Fida DERBAS*
Résumé
Dans cet article, nous allons analyser le rôle de ce récit policier historique et son impact sur le public, à plusieurs niveaux, voire éducatif, social, politique et culturel afin de mettre en lumière la fonction de la littérature policière qui reflète la réalité sociale tragique. Le récit policier contient un mystère qui met en haleine le lecteur et l’incite à réfléchir; il participe à l’action implicitement pour résoudre l’énigme et dévoiler le coupable. Le lecteur devient un justicier et apprend à collaborer dans la vie sociale et politique.
Mots – clés:
Le récit policier, un refus, climat social, funeste, problèmes sociaux, pauvreté, chômage, surpopulation dans les régions urbaines, augmentation du taux de criminalité, naissance du capitalisme, complexe du pouvoir, antithèse, opposition, résistance.
Introduction
Il est bien évident qu’à travers les siècles, la majorité des écrivains ont fait de leur plume, une arme et de leur talent, un instrument au service des causes universelles pour libérer les sociétés des abus politiques, religieux, sociaux et autres. Ils se sont attribué une part de responsabilité pour rectifier les mœurs et les préjugés car ils croient que le devoir de l’écrivain est de servir la société en corrigeant les vices et les défauts humains qui risquent de la détruire. A cet égard, la littérature a jeté dans la bataille, l’écrivaine franco-libanaise Stéphanie NASSIF, qui s’est engagée, dans son 3eme roman «Le trésor du temple de Melqart» à défendre une cause sociale et humaine, de grande valeur «le civisme» puisqu’elle croit que tout homme dans la société est responsable de ce qui se passe en son temps. De son roman-clé, émerge un enjeu moral et éthique qui prouve que la vie collective exerce une emprise plus forte sur la vie individuelle et que la solidarité est la base fondamentale de toute société qui veut prospérer et se développer. Ces dernières doivent s’accompagner de la sagesse et de la lucidité des dirigeants qui vont permettre aux peuples de résister aux convoiteurs et de s’opposer à tous les défauts humains qui causent depuis le passé jusqu’à présent, la disparition de grandes civilisations et la destruction des pays les plus riches, à travers les guerres civiles, les crimes, les carnages, le fanatisme, l’égoïsme, la corruption et autres.
Pour parvenir à son but, la narratrice a effectué dans «Le trésor du temple de Melqart», une alliance fictive entre l’histoire de la ville de Tyr, lors du règne des phéniciens et les valeurs morales et éthiques d’un bon citoyen (qu’il soit un dirigeant ou qu’il soit un homme du peuple), qu’elle a voulue partager avec le liseur pour le captiver et lui montrer les dangers encourus actuellement ; elle a eu recours à la fiction car celle-ci séduit le lecteur, fonctionne comme un appât et rend la moralité plus digeste et accessible à son esprit. Elle a également structuré son œuvre, selon un plan explicite, binaire et captivant, voire antithétique, au niveau du sens et de la forme pour que le message final visé soit visiblement compréhensible et clair à tout lecteur potentiel.
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** Université Libanaise Faculté des lettres et des sciences humaines, Département de langue et de littérature française.
La matrice antithétique du roman
Ainsi, une lecture approfondie du «Trésor du temple de Melqart» nous permet-elle de constater que ce roman est composé de deux parties distinctes et symboliques, égales formellement mais opposées thématiquement et sémantiquement:
Cette organisation macrostructurale et simple du roman qui a rendu la trame du récit plus cohérente et intelligible au lecteur et choisie, intentionnellement, par la narratrice, lui a permis d’établir une confrontation entre les forces du BIEN dans la (1ere partie) et celles du MAL dans la (2eme partie) et faire triompher à la fin, les grandes valeurs morales et humaines universelles comme «Le BIEN, La SAGESSE, La VERTU et La JUSTICE».
Lexique appréciatif et valorisant
Subséquemment, la 1ere partie du roman apparait très intéressante et riche lexicalement, car l’auteure retrace une phase importante de l’histoire du peuple phénicien; elle nous introduit dans un lieu ravissant et naturel, la ville de Tyr, rayonnant de richesse, de luxe, de travail et de vie, au moyen d’un vocabulaire valorisant, animé et imagé, décrivant la beauté et la splendeur de cette ville et ses spécificités, au niveau:
- de sa situation géographique particulière, « juchée sur un promontoire rocheux surplombant la mer», «cette ville ressemblait à un bateau ancré aux portes de la Méditerranée», «délimitée à l’est par deux grandes chaînes de montagnes recouvertes de forêts de cèdres, de sapins et de genévriers».
- de sa renommée impérieuse: «Tyr réputée imprenable», «Tyr était la cité la plus puissante de la Phénicie», «elle maîtrisait une bonne partie du commerce maritime», «Protégée», «empêchant tout accès aux envahisseurs».
- du mode de vie des habitants de Tyr, dignes d’estime et de fierté: «les phéniciens rayonnaient dans tout le bassin méditerranéen», «diffusant leur culture et leur art», «exploitant les richesses de chaque territoire conquis».
- de la sagesse et la compétence de ces gouvernants exceptionnels: Le roi Hiram le grand et Azbaal le sage qui ont supervisé la ville de Tyr. En effet, «la suprématie de Tyr était liée à son roi Hiram Le Grand», il a été le «principal acteur de son expansion», il a conçu une «stratégie protectionniste face aux ambitions des pays voisins», «défiant les lois de la construction», en édifiant des « fortifications infranchissables» et capables de protéger la ville des envahisseurs, il a été «obsédé par la perfection» et «sa politique était expansionniste»; c’est pourquoi il a été «connu et respecté en Orient et Occident». Quant à Azbaal le sage, il «faisait un travail colossal», il a été «nommé Maître d’œuvre», «il possédait un savoir incomparable» et «géraitune entreprise gigantesque faite au détriment de sa propre vie», «à 40 ans, il n’était point marie»et il «menait une existence d’ascète». Malgré son importance et son ingéniosité, «son habitation était modeste»; il «habitait la demeure de ses ancêtres et refusait d’habiter dans le palais royal». Il a été très attaché à ses origines et à ses ancêtres qui lui ont transmis le savoir et la connaissance ; il les a défendus fermement, ne tolérant aucune erreur commise à leur égard, c’est pourquoi il a exclu de la communauté, les artisans les plus compétents, car ils n’ont pas respecté les lois et le patrimoine ancestral, y compris «Hamilcar», son meilleur élève qu’il a envisagé de nommer son successeur mais à cause de son égoïsme et de son arrogance; il l’a renvoyé. Pour Azbaal le sage, «le bon artisan doit disposer d’aptitudes à créer et savoir travailler sur les faiblesses de sa personnalité» car la création est un sacrifice total; il faut être capable de donner le meilleur de soi-même, «tant par la main que par l’esprit» (p. 107). Ce qui explique son mode de vie humble et modeste; «il ne mangeait que des repas légers», préférant la simplicité et le calme « au protocole et à l’agitation des officiels». Bref, ces deux chefs qui détiennent le pouvoir, sont exceptionnels car ils adoptent «la performance et la fonctionnalité comme outil indispensable dans leurs échanges avec les pays voisins» (p. 114) et optent pour le progrès, l’expansion et la prospérité de leur ville, grâce au commerce et à la production artisanale qualifiée.
Par conséquent, toute une ambiance positive règne, dans le premier volet, symbolisant l’état de bonheur et de prospérité dominant, grâce aux nombreuses qualités humaines et singulières des deux chefs qui ont collaboré ensemble pour assurer la richesse et la renommée fabuleuse de la ville de Tyr. Chaque jour, ils ont cherché, ensemble les solutions adéquates aux problèmes et aux difficultés rencontrées. Ils ont supervisé, coordonné et contrôlé l’application des lois, des décrets et des règlements, avec justice et équité, tout en gardant leur modestie et leur altruisme. Ils n’ont pas eu de projets individuels; ils ont œuvré uniquement, pour l’intérêt commun, car ils sont fidèles d’un côté, à leurs ancêtres et de l’autre, à leurs progénitures. Ils ont hérité le savoir de leurs ancêtres et ils leur sont reconnaissants, c’est pourquoi ils ont essayé de conserver ce savoir, de le développer et de l’exploiter pour le profit des habitants de Tyr. De même, ils ont pensé à l’avenir de leur ville et aux générations futures qui pourraient certainement sombrer dans les ténèbres et l’ignorance après leur mort. Alors, ils ont cherché pleinement à trouver un moyen pour leur transmettre le savoir et la connaissance (cumul de tant d’années de réflexion et de labeur assidu) en créant une communauté d’artisans élites et fidèles, digne de cette mission après leur décès. Leur projet ambitieux est très significatif et sublime, il symbolise le dépassement de l’égo, l’altruisme, le partage et l’amour du prochain. C’est pourquoi ils ont mérité leur qualification par Hiram → le grand et Azbaal → le sage et gagné le respect et l’estime du monde entier.
Enjeu politique et moral
En conséquence, NASSIF a tenté de prouver expressément, au monde actuel que les valeurs morales et humaines sont des facteurs indispensables pour assurer le bonheur, la paix, la prospérité et la grande réputation des peuples en prenant l’exemple des phéniciens, dans «Le trésor du temple de Melqart». Elle y a mis en lumière la majesté de ce peuple, reposant essentiellement, sur la compétence de ses responsables dotés de sagesse, de justice morale et de valeurs suprêmes ainsi que sur la solidarité des habitants de Tyr qui respectent les droits humains et leur patrimoine. Ces grandes valeurs humaines et sociales sont indispensables à toute personne responsable d’une communauté, qui doit être digne de son poste et apte à diriger, à planifier, à partager et à travailler consciencieusement pour accomplir son devoir envers les autres tout en gardant son humanité et sa modestie. Ainsi, le choix de ces qualités, est-il volontaire et intentionnel, de la part de l’auteure qui a réalisé leur importance pour le bon fonctionnement de la société; alors, elle a essayé pareillement, de les consolider, dans la 2eme partie du roman, suivant une stratégie opposée et fondée sur un jeu entre les champs sémantiques ou lexicaux, permettant un vaste spectre d’images antithétiques. En ce sens, elle a recours à l’antithèse pour suggérer des images poétiques expressives qui mettent en relief les défauts humains et dangereux comme la jalousie, la cupidité et l’égoïsme qui vont parcourir la ville de Tyr, menacée de destruction.
Lexique péjoratif et dépréciatif
De ce fait, un lexique dépréciatif jalonne, dans la deuxième partie où les vices et les malheurs apparaissent subitement et cruellement: (la jalousie, l’orgueil, la lâcheté, p.150), (l’inimitié, la jalousie p.205), (mutisme et rancœurs p.166), (un regard noir, un ton sec, p.158), les maladies s’insurgent: (une vive douleur, la douleur, p.153/ p.162), (un mal au gorge p. 154/ p. 156), (anxiété et fatigue extrêmes p.160), (vive douleur, grimaçant de douleur p.156), (un indicible bien-être p.157), les assassinats se multiplient: (les ennemis, les assaillants p.159/ p.160/ p.163), (deux fautifs p.155). Le malheur règne dans la ville de Tyr (menacée p.159, en péril p.160), (les forces du mal rôdaient autour du temple de Melqart p.222), à cause de (la jalousie et la convoitise des pays voisins, p.160) et (des menaces dangereuses extérieures p.160), les navires transportant les marchandises sont piratés (la caravane est attaquée p.213); c’est pourquoi la panique survole la ville et les habitants de la ville deviennent (perplexes et apeurés p.161/ p.197/ p.230) et souffrant (d’insomnie, p.166). Par suite, le mal se répand, au fur et à mesure, entrainant la mort qui fauche les victimes, l’une après l’autre (l’ombre noire, sournoise et houleuse p.162/ p.183/ p.197). La mort (p.162 / p.163) rôde imposant les crimes, notamment, l’assassinat du gardien qui surveille les chantiers puis de Salma, la servante fidèle d’Adoniram. Ce qui accentue (la rage et la souffrance p.17) chez le roi et Adoniram qui décident absolument de dévoiler (l’identité du malfaiteur p.209), affolé (d’instincts de vengeance p.210) et (de jalousie p.230) et souffrant, indubitablement, (d’un handicap profond) car il a commis ces (actes ignobles p.221). Ils éprouvent une (sensation de malaise et de malheur p.235). Comment (contrer les forces du Mal qui s’acharnent sur le temple de Melqart p.247) et arrêter les meurtres et les complots qui se tissent par un coupable asocial, obsédé par le pouvoir et dominés par les complexes? Les menaces et les risques se multiplient car la ville de Tyr affronte un criminel inconnu qui veut la détruire et accaparer le pouvoir pour satisfaire ses instincts (de cupidité et de folie).
Invariants du récit policier
De ce fait, ce roman, construit suivant le modèle narratif traditionnel et accessible à tout récepteur, se caractérise d’un schéma actantiel contenant les six invariants d’un récit policier historique. L’intrigue est tissée, durant une période de l’histoire du peuple phénicien, autour d’un crime (le meurtre d’Azbaal le sage) et de la recherche du coupable par Adoniram qui fait une enquête fondée sur des indices et des preuves. Ces invariants sont les suivants:
Ces invariants dotent, ce polar historique, d’un suspense surprenant et singulier qui apparait, notamment lors de la découverte de l’identité du coupable et du mobile du crime. Effectivement, NASSIF a cherché à surprendre le lecteur, habitué à voir un portrait- type du coupable (laideur physique et morale, handicap, déformation,…). Or, le coupable dans «Le trésor du temple de Melqart» a un portrait complètement différent du modèle traditionnel. Il n’est autre que la guérisseuse «Alyssar», une bonne femme, belle d’apparence, douce, tendre et chargée de soigner les malades. Elle a commis les crimes à cause de la jalousie, de la cupidité et de l’obsession du pouvoir, auxquelles s’intéressent, habituellement, les hommes plus que les femmes.
Caractéristiques du style de NASSIF
Enfin, il nous reste d’aborder les caractéristiques du style de NASSIF qui a mis en relief l’intrigue et sa progression, à travers une variété de procédés stylistiques, à savoir la ponctuation, les figures de style. Concernant l’emploi de la ponctuation, elle est uniquement liée à l’usage récurrent et abondant des deux points, des points d’interrogation et des points d’exclamation.
En effet, les deux- points, ce signe de ponctuation, constitué de deux points disposés verticalement, possède diverses fonctions dans ce roman où l’écrivaine l’a utilisé plus de [200 fois] afin de pouvoir détailler les éléments célèbres qui caractérisent la ville de Tyr ou de développer des faits et d’actions. C’est pourquoi il a permis, avant tout, à l’auteure d’énumérer les missions ou les besognes confiées à Azbaal le sage, accomplissant un travail colossal (inspecter les différents chantiers, donner des directives et contrôler les productions réalisées p.17), à dénombrer avec profusion, les éléments de la Connaissance et du savoir-faire (l’alphabet phénicien, les techniques de transformation des minerais, la pourpre tyrienne et sa fabrication, l’astronomie p. 15), à détailler minutieusement, les bases du savoir (règles de la création, astronomie, écriture P. 111), à citer horizontalement, les genres d’arbres présents à Tyr (forêts de cèdres, de sapins et de genévriers p. 13) et à préciser soigneusement, les minerais et toutes autres matières premières utilisées dans la fabrication des marchandises (étain, Argent, ivoire p. 17).
Par ailleurs, l’auteure a usé cet indice formel afin d’expliquer précisément, les causes des réactions des tyriens comme le cri strident (l’arrivée d’un bateau rempli de marchandises exportées p. 26), d’expliciter le but de la convocation urgente du roi, suite à la grave erreur commise lors de la construction du temple d’Astarté (p. 19) ou de décrire scrupuleusement la magnificence du palais royal, vu les trésors hérités des ancêtres, reflets de la quintessence de la création (durant la première visite d’Adoniram au palais royal p. 35)
Quant aux points d’interrogation, ils sont autant nombreux (150 fois), car ils longent les discours intérieurs des deux chefs et leurs dialogues : tout d’abord, ceux du roi qui consacre son temps à développer et à prospérer son royaume: «– Alors pourquoi ne pas profiter aujourd’hui de toute cette richesse?», puis à servir ses précédents et leur préserver le savoir et la Connaissance: «Mais… comment les transmettre à la postérité?» ensuite ceux d’Azbaal le sage.
Aussi, l’interrogation est très fréquente dans les dialogues des deux chefs, notamment, lorsqu’ils se réunissaient pour réfléchir sur le sort de leur postérité: «as-tu pensé à ta succession?», «As-tu pensé que ton savoir incomparable pourrait disparaître un jour et ne pas servir pour les générations à venir?»; ils s’interrogent souvent sur les projets à accomplir, sur leur conception, sur le choix des «dix pierres brutes», c’est-à-dire, des élites qui vont poursuivre le développement de la ville de Tyr et la tâche la plus difficile, voire la sélection d’un successeur, qui va continuer la mission d’Azbaal le sage, ainsi que sa formation (p. 37) et enfin, s’ajoutent les interrogations d’Adoniram, l’élu qui va prendre en charge le poste d’Azbaal après son assassinat (p. 38). En outre, il faut noter la présence constante des points d’exclamation (180 fois) qui jalonnent avec profusion dans cette partie et qui marquent les différents sentiments éprouvés par les personnages durant leur quête pour conserver la connaissance (p. 16, p. 21), ou exprimer leur étonnement (Azbaal lors de la demande du roi pour créer une communauté d’artisans élites p.20), leur détresse (Adoniram découragé de l’ingratitude de son métier de pêcheur de murex P. 23), leur colère (Baalator , le teinturier P.24), leur indignation (Adoniram discutant avec le teinturier p. 25), leur émerveillement (Adoniram décrivant le spectacle luxueux des marchandises importées et déposées au port . p 26), leur nostalgie notamment (celle des marins qui rentrent après six mois de voyage p. 26), leur attachement à la ville de Tyr et à leur maison natale “Adoniram possédait une certaine joie lorsqu’il rentrait chez lui; sa maison était une pièce unique! p. 28), leur supplication (Baalator suppliant Adoniram p. 31), leur affection et leur admiration réciproque (1ere rencontre foudroyante entre Adoniram et Alyssa p. 33), la fermeté des responsables (p. 36), leur joie de travailler (p. 39), leur respect des ancêtres surtout Azbaal le sage «il m’est interdit de divulguer les règles de la création et de les remettre entre des mains profanes» (p. 20). Enfin, interviennent les figures de style d’insistance dont l’auteure en a sélectionné les périphrases «Tyr, la citadelle aux mille trésors, la cité de la pourpre» (p. 27), les énumérations des variétés minérales à Tyr «la cité du verre, de l’ivoire, de l’argile, du bronze, et des bijoux précieux» (p. 27), de la diversité de la végétation (cèdres, sapins, genévriers P. 13) et les accumulations qui lui ont permis de présenter minutieusement la richesse et la variété:
– des trésors exposés sur les murs du palais royal (des statuettes en argile et en bronze, des poignards au manche en ivoire sculpté, des thymiatères, des œufs d’autruche décorés (p.35);
-des marchandises exportées des pays lointains (Minerais d’Andalousie, byssus égyptien, tapis de Perse, pierres précieuses de Syrie, épices et aromates d’Afrique. p. 26), et des endroits tels que (L’Égypte, L’Afrique,…). Ce qui rend la ville de Tyr, une ville qui grouille de vie, de prospérité, de fertilité, de connaissance et de lumière.
Le complexe de l’époque!
En somme, cette transformation oxymorique est révélatrice; elle nous met en garde des vices qui prennent une nouvelle forme aujourd’hui, comme le complexe du pouvoir ou le mal moderne. Ce complexe, appelé «Hubris» en anglais ou le syndrome de la démesure est «tiré non seulement de la philosophie grecque – on le retrouve chez Platon et Aristote –, mais également du théâtre, où il permet de raconter de grandes épopées, où le succès monte à la tête du héros, qui prétend se hisser au rang des dieux ; il est alors impitoyablement remis à sa place par Némésis, la déesse de la vengeance. L’hybris grec renvoie à la démesure et à ses conséquences funestes.» (Le syndrome d’ hubris: la maladie du pouvoir Cerveau & Psycho (cerveauetpsycho.fr))
Comme le narcissisme, l’hubris désigne aussi un manque d’intérêt pour tout ce qui ne concerne pas le sujet personnellement, une absence générale de curiosité. «La caractéristique principale de l’hubris est qu’il est visible de tous, sauf du principal intéressé et de ses fidèles. Adapté à la politique, on voit immédiatement se profiler quelques candidats au syndrome d’hubris, mais D. Owen se focalise surtout sur l’analyse des chefs d’État britanniques et américains.»
L’hubris se compose de différents symptômes. Owen en dénombre 14, selon lui, la présence simultanée de trois d’entre eux permet de poser le diagnostic. Parmi ces signes, il convient de signaler une attirance narcissique à voir le monde prioritairement comme une arène où exercer son pouvoir et rechercher la gloire, un souci démesuré pour l’image et l’apparence, une confiance excessive en son propre jugement et un mépris pour les critiques et les conseils d’autrui. «Le déclencheur de cette maladie serait l’exercice même du pouvoir, généralement précédé d’un grand succès, et suivi d’une ascension irrésistible et populaire, qui s’accompagne d’une absence inhabituelle de contraintes, aboutissant à une centralisation des pouvoirs.» (Le syndrome d’ hubris : la maladie du pouvoir | Cerveau & Psycho (cerveauetpsycho.fr))
De même, l’hybris associe narcissisme, arrogance, prétention, égotisme, voire manipulation, mensonge et mépris. Ce trouble pathologique de la personnalité qui cherche à dominer l’autre et à l’asservir est dangereux. L’homme actuel vit dans un monde sauvage, démuni de sentiments et prêt à tuer et à voler pour satisfaire ses instincts les plus vicieux. Il recherche le pouvoir qui exerce «une fascination indéniable, autant sur ceux qui le subissent que sur ceux qui l’exercent». Ce phénomène alarmant a créé une certaine inquiétude chez la plupart des écrivains, à travers les époques. Dans ses Discours sur la condition des grands, Pascal jugeait utile d’éduquer les futurs puissants en leur rappelant que leur détention du pouvoir tient avant tout du hasard: «Surtout ne vous méconnaissez pas vous-même en croyant que votre être a quelque chose de plus élevé que celui des autres […] Car tous les emportements, toute la violence, et toute la vanité des Grands vient de ce qu’ils ne connaissent point ce qu’ils sont». (Le syndrome d’hubris : la maladie du pouvoir | Cerveau & Psycho (cerveauetpsycho.fr))
Puis, Pierre ACCOCE écrit, Ces Malades qui nous gouvernent, paru en 1978, et relance le débat classique sur le secret médical chez les hommes de pouvoir, et ce bien avant la révélation du cancer de François Mitterrand. Ensuite, dans son livre In Sickness and in Power, paru en 2008, David OWEN examine le rôle de la maladie dans les prises de décision des chefs d’État durant les 100 dernières années. L’exercice n’est pas nouveau. Selon lui, les chefs d’État tiennent entre leurs mains le destin des peuples et, de ce fait, leurs décisions doivent se fonder sur un sens du jugement solide et réaliste. Mais il va plus loin, et propose tout à fait sérieusement au lecteur et à la communauté scientifique de considérer «l’idée d’une nouvelle entité clinique dont seraient victimes certains dirigeants précisément du fait qu’ils détiennent le pouvoir. Un livre et un article récents plaident pour l’instauration d’une nouvelle entité médicale qui concernerait les personnalités politiques dirigeantes: elles seraient «intoxiquées» par un étrange agent pathogène – le pouvoir – les conduisant à manifester un narcissisme pathologique». (Le syndrome d’ hubris : la maladie du pouvoir | Cerveau & Psycho (cerveauetpsycho.fr))
Conclusion
En guise de conclusion, il faut dire que «Le trésor du temple de Melqart» n’est pas un roman policier à portée uniquement, historique mais aussi progressiste et futuriste; l’auteure a ravivé une grande civilisation passée pour montrer aux lecteurs contemporains, l’importance de dépasser le «JE» pour combattre l’égoïsme et aboutir au «NOUS». L’égoïsme détruit la vie, le progrès et les plus grandes civilisations. Les guerres civiles, religieuses, ethniques et autres sont une forme de l’égoïsme barbare symbolisant la naïveté et l’hypocrisie amenant au malheur et à la mort. Les hommes doivent rester unis et solidaires en s’alliant et en associant leurs forces pour combattre leurs faiblesses et leurs craintes, pour dépasser leur égo et œuvrer pour l’intérêt commun, la survie et le bonheur collectif. Et, comme «L’union fait la force», ce proverbe ou cette grande vérité de l’univers sert de devise nationale à la Belgique, à la Bulgarie, et tant d’autres pays. Une fois que cette maxime est appliquée sur la terre, la vie de tout homme en sera grandie. Elle prône l’égalité, le respect d’autrui, la diversité et la dignité humaine. D’où, l’importance de cette œuvre dont l’enjeu prêche une éducation civique indispensable aux hommes contemporains. A ce propos, Sartre dit: «la parole est action, les mots sont des pistolets chargés… Si l’écrivain parle, il tire. Il éclaire et il dirige l’opinion publique vers la grandeur, le bonheur, la paix…».
Bibliographie
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- Le roman policier – EspaceFrancais.com
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- Leadership: comment sortir du complexe de pouvoir ? – Talentis (talentis-coach.com).
- Le syndrome d’hubris ou les effets du pouvoir sur la personnalité (lefigaro.fr).
- La pathologie du pouvoir: vices, crimes et délits des gouvernants – Antiquité, Moyen Âge, époque moderne | Brill.