Clinique de l’autisme Le mur de la demande de l’enfant autiste
عيادة التوحد – جدار طلب الطفل المصاب بالتوحد
د.بيلا ملحم عون([1])Dr.Bella Aoun
الملخص
ما يطرحهالبحث هو،هل يمكن أن تكون عيادة التحليل النّفسي أداة تدريب أو طلب للمصابين بالتوحد؟ الآخر لا وجود له. عيادة التوحد قد صممت من خلال عيادة الطلب . الطلب هو طلب حب . هل الإنسان المصاب بالتّوحد هو قادر على الاستجابة له ؟
مفاتيح الكلمات : عيادة التوحد – الاخر الكبير- حائط الصمت – الرغبة
Résumé
La clinique psychanalytique peut-elle être un outil de dressage ou de demande pour l’autiste ? Le Autre n’existe pas pour lui. La clinique de l’autisme se conçoit à travers une clinique de la demande. La demande est une demande d’amour. Est ce que l’autiste est capable d’y répondre ?.
Mots-clés : Clinique de l’autisme – grand Autre – mur du silence – Désir
Introduction
Y a-t-il une clinique psychanalytique de l’autisme ? Le lien social est-il possible dans cette clinique particulière ? Telle est la question difficile à laquelle je suis confrontée ; je ferai une tentative d’amorce de réponse. Les cliniques cognitivistes répondent par l’impossibilité et font face à l’autisme avec des techniques « de dressage ».
La clinique de l’autisme, en fait, se conçoit à travers une clinique de la demande. Toute demande est demande d’amour. Et l’introduction de l’amour dans le champ de l’autisme nous plonge dans une problématique de développement de la subjectivation et du transfert. La demande d’amour et le désir qui en résulte, peuvent-ils, encore une fois, permettre, une clinique analytique face à l’impensable de la souffrance ?
Dans toute demande, le sujet s’aliène aux signifiants de l’Autre et cela qui cause son fading. Séparation et aliénation sont le prix à payer pour le sujet parlant, mais ceci ne va pas sans provoquer de l’angoisse chez le petit enfant, confronté au risque de la perte d’amour de l’Autre dont il est dépendant. Freud dans son Malaise dans la civilisation parle du surgissement d’angoisse qui ne peut être autre chose qu’une angoisse sociale .
C’est l’Autre qui articule le rapport du sujet au signifiant et à l’objet. Le bébé qui se prend comme parlêtre, est déjà entamé comme être parlant par ses babils qui ne sont que jouissance. Une jouissance de l’être préalable au lien du petit sujet au signifiant. Ce que Lacan appelle lalangue. C’est ce sourire, ses babils etc. que le bébé envoie à sa mère, que cette dernière à son tour répond à sa demande.
Le bébé se trouve au premier plan dans la jouissance de la voix de l’Autre où facilement il peut s’y loger ; il peut également se trouver dans son regard afin d’élaborer sa propre image signifiée telle par les paroles de l’autre maternel qu’il privilégie.
La jouissance préalable due au babil déclenche la chaîne et en conséquent l’objet a. Le signifiant est synonyme de vitalité du parlêtre.
Qu’en est-il pour l’autiste ? Où se situe son logement ? Son logement définit-il sa demande que ce soit de l’Autre et à l’Autre ?
La rétention des objets pulsionnels voire le dysfonctionnement pulsionnel chez l’autiste bloque la demande dès le stade oral. L’appel de l’autiste ne se fait pas entendre, la présence et l’absence de l’Autre sont non significantisables. La Demande de l’Autre et celle à l’Autre se traduisent par une échotisation.
Le Grand Autre n’est pas le supposé savoir. Il est la Chose, état préalable au Grand A barré. Le signifiant du désir de la mère est forclos. Donc un Autre qui n’existe pas, et qui n’est jamais la source de sa demande ce qui fait dire à Lacan « l’autiste n’adresse aucun appel, n’a pas le désir de se faire comprendre, il ne cherche pas à communiquer » .[i][ii]
Anthony est un garçon de 3 ans. Accroché au cou de son père à la première consultation, et mutique. Ne répond à aucun appel. Un regard vide mais fixé au plafond. Il est en pleurs ; il ne s’arrête pas de pleurer et veut à tout prix sortir de la salle.
Anthony, au cours des deux premières séances, arrache les objets pour les jeter : ce qui signifia qu’il veut faire un trou dans l’autre. Cet autre qui se trouve dans le réel, non troué ; c’est là qu’il faut trouver le sens de la destruction de l’autre qui vise à le décompléter.
Anthony entame avec l’autre une relation basée sur la destruction et puis il se jette par terre et se cogne la tête. Il revient à sa destruction tout en s’effondrant donc ce qui comporte pour lui une menace d’intrusion intolérable. C’est cette relation avec le monde extérieur qui le mène à y rester étranger, menacé.
La destruction ici est fondée sur le musculaire et non pas sur le regard dont l’absence est signe crucial chez l’autiste. J. Lacan dans son séminaire XI écrit : « ce qui est fondamental, au niveau de chaque pulsion c’est l’aller et retour où elle se structure (…) nulle part dans son parcours, la pulsion ne peut être séparée de son aller-retour, de sa réversion fondamentale, de son caractère circulaire »[iii] ; Il dit par ailleurs : « Le sujet de la pulsion, qui est proprement l’Autre, dit Lacan, apparaît en tant que la pulsion a pu fermer son cours circulaire » [iv]
Dans les séances suivantes, Anthony cherche des crayons et les fait entrer dans une boîte à trou : le réel se referme sur lui-même en essayant de boucher le trou.
Dans les séances suivantes, il choisit des objets avec lesquels il exprime son jargon mais aucun sens dans le jeu. Il adresse un appel à une absence réelle, un appel qui ne peut pas se diriger vers l’Autre, mais vers le vide. Une demande à l’Autre qui n’existe pas, ce n’est pas par mégarde qu’il est troué mais parce que c’est un Autre absolu non troué.
Le bord autistique n’est pas encore construit chez Anthony comme protecteur contre l’Autre réel menaçant. Quand la localisation de la jouissance sur un bord ne se fait pas, nous pouvons mentionner un repliement sur soi intense.
L’objet a n’existe pas pour l’autiste car l’objet pulsionnel émane de ce Autre qui n’existe pas, pour lui, avec qui il est sans lien aucun.
Un jour, un premier objet apparaît quand je construisis pour lui une tour. La tour tomba vu sa hauteur. Cet effondrement attira Anthony. Je reconstruisis une tour et j’allais dans la salle contigüe. En mon absence, ne me trouvant pas il fit tomber la nouvelle tour. Sa jouissance se manifesta par le mouvement débordant de ses mains et celui de ses pieds.
Peut-on parler d’un signifiant unaire ? une jouissance sans aucun rapport avec un signifiant qui viendrait de l’Autre ou bien qui élaborerait une pause à la jouissance en tant que S2.
Une autre séance, où Anthony a pris ma main pour lui ouvrir la porte. C’est une instrumentalisation d’une partie du corps de l’autre selon Kanner. Est-ce je suis devenue le semblable par le transitivisme. Donc le transfert apparaît ici dans ce prolongement du corps vers l’autre.
Voici un autre cas, dans lequel l’enfant choisit de se murer dans le silence.
Xavier était verbeux, soudainement il se mura dans le silence. Son regard errait dans le vide. Il donnait l’impression d’une statue sans vie, sans odeur. « Aujourd’hui, je parle beaucoup, mais maintenant j’arrête de parler. On me dit que je pose trop de questions », me dit-il à une séance.
Est-ce qu’il donne sens à son silence ? en lui questionnant sur ce silence, il répond : « ici dans mon cerveau, trop d’idées qui se brouillent ». c’est la difficulté d’articuler le symbolique et le pulsionnel. Donc un refus d’articuler l’objet a au Sujet, ce qui engendre le mutisme chez Xavier afin de ne pas engager sa voix. Pour Maleval « le refus de parler est sans doute quelques fois conscient chez l’enfant autiste, mais il témoigne d’un choix plus radical, commandé par une jouissance impérieuse , de sorte que la plupart des autistes muets semblent éprouver douloureusement leur inaptitude »[v], Xavier joint Berger Sellin : « mais intérieurement je parle avec abondance comme tous les petits terriens »[vi].
En entrant, dans le mur du silence, Xavier arrêta son activité de natation tout en justifiant cet arrêt par un « pour ne pas grandir », et arrêta de jouer aussi à la PlayStation, sans en préciser la cause.
Notons que son benjamin pratique avec lui la natation, et Xavier veut lui en refuser la jouissance ; il veut, également à tout prix que son frère arrête ses jeux à la PlayStation. Il menace de le battre.
Ne peut-on dire ici que Xavier se heurte à la rencontre du réel des petits autres ? Sa violence contre son frère est ce rapport aux objets persécuteurs et au réel de son double.
Dans ces deux cas comme pour les autres, il n’y a pas de savoir supposé à l’Autre [comme pour la névrose]. Pourtant on peut trouver en scène une sorte de transfert qui reste à définir. Maleval en 2009, parle d’un Autre de synthèse, caractéristique de l’amour de transfert de l’autisme dont cet Autre de synthèse se prend comme une défense qui emporte sur un objet hors-corps : marqué par des signes englobant chiffres et images que l’Autre de synthèse de l’autiste en est chargé.
Asperger souligne l’utilité d’un enseignement individuel englobant un engagement complet et affectif à l’individu qui met sur la voie de l’amour voire le transfert.
La souffrance comme la jouissance singulière de l’autiste pose la question de la demande et du désir, et du lien l’amour qui l’établit. L’enfant autiste est celui qui a raté la division subjective. Il me semble, que la jouissance autistique est marquée par l’impuissance de l’amour à suppléer au réel.
Lefort entend suppléer, à cet Autre, un Autre, relaté au trésor de signifiants. Le « devenir Autre » signifie pour Lefort que « dans l’autisme, l’Autre se réduit à une absence…. Ce sont les autistes eux-mêmes qui le disent dans un signifiant privilégié qui affecte leur Autre.. »[vii].
Pour Soler, un Autre de rectification. Elle introduit la question du regard « l’offre du supposé savoir » point initial dans la cure. Cette offre qui déclenche la demande du sujet autiste, donc le transfert s’entame ainsi que le savoir supposé se pose.[viii]
Je cite Lacan « il y a sûrement quelque chose à leur dire ».[ix]
أستاذ مساعد- رئيسة قسم علم النفس في الجامعة اللبنانية – كلية الآداب والعلوم الإنسانيّة – الفرع الثاني-[1]
Assisant Professeur -Cheffe de département de Psychologie – Université Libanaise- Faculté Des Lettres et des Sciences Humaines – Section II. Email:Aounbella@gmail.com
[i] Maleval J., (1997), Pour soigner l’enfant autiste, Paris, Odile Jacob.
iiLacan J., (1964) Les Quatre Concepts fondamentaux de la psychanalyse, Paris, Seuil
iiiLacan J., Ibid
[v] Maleval J-C., (2022), Conversations psychanalytiques avec des psychotiques ordinaires et extraordinaires, Paris, Eres.
[vi] Sellin B., (1995), La solitude du déserteur, Paris, Robert Laffont.
[vii] Lefort R., et R., ( 2003 ), La distinction de l’autisme, Paris, Seuil
[viii] Soler C., (2002) L’inconscient à ciel ouvert de la psychose, Toulouse, PUM
[ix] Menes M., (2012), L’enfant et le savoir, Paris, Seuil
Références
1-Freud S., (1992), Le malaise dans la civilisation, Paris, Seuil.
2-Hochmann J., (1997), Pour soigner l’enfant autiste, Paris, Odile Jacob.
3-Lacan J., (1964), Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, Paris, Seuil.
4-Lefort R., et Lefort R., (2003) La distinction de l’autisme, Paris, Seuil.
5-Maleval J.Cl., (2009), L’autiste et sa voix, Paris, Seuil.
6-Menes Martine (2012), L’enfant et le savoir, Paris, Seuil.
7-Mottron L., (2002), L’autisme : une autre intelligence, Diagnostic, cognition et support des personnes autistes sans déficience intellectuelle, Sprimont, Mardaga.
8-Sellin B., (1995), La solitude du déserteur, Paris, Laffont.
Soler C., (2002), L’inconscient à ciel ouvert de la psychose, Toulouse, PUM