Autisme et Lecture (Méthode et manuels personnalisés)
التوحد والقراءة (الطريقة والأدلّة الشّخصيّة)
د. همسة الّصلح Dr.Hamsa El Solh[i]
Résumé
Malgré le recours de certains pays (Le Japon-La Suisse) à la réduction des sciences humaines et sociales (dites molles) au profit des sciences de la nature et des sciences formelles (dites exactes) et qui, prétend-on, sont « plus utiles » à la société, l’apport des sciences humaines reste d’une grande envergure, surtout en pédagogie et en psychologie, et plus particulièrement dans la prise en charge des enfants atteints de troubles de développement, de troubles comportementaux et/ou cognitifs, dans la mesure où les médicaments ne suffisent pas à améliorer leur état, ou, tout simplement, n’existent pas pour eux.
Les troubles du spectre autistique sont des troubles du développement, caractérisés par une perturbation sociale et une déficience langagière plus ou moins aigue. Par conséquent, les modalités de scolarisation d’un enfant autiste ne sont pas les mêmes que celles d’un enfant «normal » (sauf pour certains autistes qui présentent le syndrome d’Asperger), surtout si le trouble autistique est associé à des problèmes cognitifs et un retard mental.
Les trois grandes familles de méthodes de lecture proposées aux enfants sans troubles sont : les méthodes axées sur l’apprentissage du code, celles axées sur la construction du sens et la méthode interactive. Pour les enfants autistes, il n’y a pas de méthode unique, mais des expériences individuelles puis généralisées.
Dans une approche pluridisciplinaire (linguistique, didactique, psychologie, Neurosciences cognitives), nous proposerons, dans la présente étude, une démarche par étapes en lecture, basée sur des manuels personnalisés et utile pour un accompagnement individualisé d’un enfant autiste.
Mots-clés : Autisme, lecture, manuel personnalisée, motivation
الملخص
على الرّغم من لجوء بعض البلدان، مثل اليابان وسويسرا، الى اختصار العلوم الإنسانيّة والاجتماعيّة، والتي يطلق عليها اسم (العلوم الليّنة)، لصالح علوم الطبيعة والعلوم النّظاميّة المسماة: (العلوم الدّقيقة)، والتي يقال عنها إنّها أكثر فائدة للمجتمع؛ نجد أنّ العلوم الإنسانيّة تبقى واسعة النّطاق، لا سيّما علم التّربية وعلم النّفس، وذلك في إطار رعاية الأطفال المصابين باضطرابات النّمو أو الاضطرابات السّلوكيّة و/أو المعرفيّة؛ علمًا أن الأدوية، ان وجدت، لا تكفي لتحسين مثل هذه الحالات.
تعرف اضطرابات طيف التّوحد بأنّها اضطرابات نمو تتصف بعجز اجتماعي ولغوي متفاوت الدرجات. ما يعني أنّ طرائق تعليم الطفل المصاب بالتّوحد لا تشبه تلك المصممة للطفل “العادي” وخاصة إذا ترافق التّوحد مع مشاكل إدراكيّة وتأخر ذهني.
هناك ثلاث مجموعات من طرق تعليم القراءة للأطفال الأصحاء: المجموعة الأولى ترتكز على تعليم الرمز، والثانية على بناء المعنى، أمّا الثالثة فهي مجموعة الطرائق التفاعليّة. أمّا بالنسبة إلى الأطفال المصابين بالتّوحد، فلا يوجد طريقة واحدة بل مجموعة تجارب فرديّة يمكن تعميمها إذا نجحت.
في مقاربة متعددة التخصصات، نقترح من خلال هذا البحث مجموعة خطوات من شأنها أن تساعد الطفل المتوحد على القراءة في إطار كتب مخصصة.
الكلمات المفاتيح : توحد، قراءة، كتاب فردي، حافز
Introduction
L’autisme ou le syndrome autistique est l’un des troubles envahissants du développement (TED), d’origine biologique ou génétique, qui atteint l’enfant avant l’âge de trois ans. Un enfant autiste présente divers troubles dans trois domaines essentiels : la communication (absence ou retard du langage verbal et non verbal, langage répétitif démuni de sens), l’interaction sociale (isolement, incompréhension ou mal compréhension des réactions des autres) et les intérêts (restreints ou absents). A ces trois domaines de base s’ajoute le domaine intellectuel dans la mesure où presque 70% des enfants autistes souffrent d’un trouble mental.
Selon la Fédération québécoise de l’autisme, les études les plus récentes estiment que le taux de prévalence des personnes autistes varierait entre 90 et 120 individus sur 10 000, soit environ 1% de la population. L’autisme n’est plus considéré comme une schizophrénie infantile, terme pessimiste et inexact mais comme un trouble envahissant, description plus optimiste de la réalité de ces enfants. Depuis qu’il a été défini par Kanner en 1943, les classifications de l’autisme ont évolué. L’autisme d’Asperger (1944) décrit un profil particulier de l’autiste intelligent dont le développement langagier est normal. Le syndrome de Rett met en valeur un trouble autistique génétique (perte des compétences psychomotrices entre 5 et 24 mois. Le trouble désintégratif de l’enfance décrit un développement normal jusqu’à l’âge de 2 ans. Le trouble envahissant du développement non-spécifié décrit des troubles inclassables. La dernière classification (2013) qui remplace TED est celle des troubles du spectre de l’autisme.
Si les chercheurs en sciences médicales n’ont pas encore réussi à trouver le remède-miracle pour guérir l’autisme, ceux en sciences humaines ont pu développer des stratégies de rééducation de l’enfant autiste. Ainsi, pédagogues et thérapeutes ont réfléchi aux meilleures méthodes d’apprentissage adaptées à ces enfants différents.
Nous nous intéresserons dans ce qui suit à l’apprentissage de la lecture à un enfant autiste et ceci à partir d’une stratégie inspirée des méthodes classiques, des recherches récentes sur le sujet, notamment en neuro-éducation et de manuels personnalisés, conçus au cas par cas.
L’obstacle de base dans l’apprentissage d’une langue à un enfant autiste réside dans les troubles de communication chez cet enfant. Donc, pour pouvoir mener son projet à bon terme (apprendre la lecture et concevoir des manuels individualisés), l’éducateur est censé, d’une part, comprendre les symptômes de l’autisme et plus particulièrement les problèmes du langage, et d’autre part, exploiter les compétences de son élève. Il lui faut, en outre, découvrir ce qui peut surtout motiver cet élève.
- Symptômes de l’autisme. (Après 24 mois)
Dix symptômes montrent la présence de troubles autistiques chez un enfant. Certains d’entre eux sont d’ordre communicatif.
I.1. L’absence du pointage
Le pointage est un geste fréquemment utilisé par l’enfant « normal » à la fin de la première année et qui marque « la communication intentionnelle » (Rossini, E., Di Fulvio, A., Rudelli,N., Cattelan, C., Zecchin, M.et Guidetti, M., 2016, p.445-459) chez lui. C’est un effort préverbal de l’enfant pour diriger l’attention de l’adulte vers un objet du monde.
I.2. L’absence de l’attention conjointe
Définie comme « une attention coordonnée et partagée entre deux personnes et dirigée vers un objet ou un évènement extérieur » (p.445-459), l’attention conjointe est une preuve du développement normal de l’enfant.
I.3. L’insensibilité aux sons
L’enfant autiste semble sourd parfois parce qu’il réagit anormalement aux perceptions sensorielles. Il peut ne pas répondre même si on l’appelle par son prénom. Il possède une audition sélective. Souvent, il plaque ses mains sur ses oreilles.
I.4. L’absence du contact visuel
Un enfant autiste peut fixer les dessins d’un livre ou d’un tapis pendant des heures. Il peut, en outre, contempler longtemps un objet qui tourne. Cependant, il peut éviter le regard de la personne qui essaie d’établir une communication avec lui.
I.5. L’incompréhension d’une consigne simple
La compréhension d’une consigne implique pouvoir comprendre le mot, le contextualiser, comprendre le geste, l’intention du locuteur et le langage des yeux. Ainsi, même si la consigne est simple, l’incompréhension persiste.
I.6. L’absence de réaction à une invitation de communication physique : enlacer, embrasser
Etant donné que les enfants autistes ont du mal à interpréter les émotions en raison de leur manière de « scanner » le visage d’autrui. Ils « ont tendance à balayer les visages d’une manière […] aléatoire. Ils peuvent passer moins de temps à regarder les yeux, mais plus de temps à regarder la bouche, ce qui a pour conséquence que l’information qu’ils reçoivent du visage d’une tierce personne leur dit peu de choses sur les émotions de la personne. » (Labbe, A., 2018)
I.7. L’usage des jouets d’une manière inappropriée
L’enfant autiste peut jouer avec des objets inhabituels comme les clés ou les interrupteurs. En outre, il les classe dans un ordre particulier. Ainsi, il les aligne ou les classe de façon obsessionnelle.
I.8. Le regard diagonal sur les objets
Une manière simple pour savoir si l’enfant est autiste : suivre son regard. « [Cette] méthode permet de poser le diagnostic plus facilement et avec moins de risque d’erreur”, explique le chercheur, Mehrshad Sadria (Gaubert,C., 2019). Les enfants autistes ont un regard fuyant. Ils focalisent moins sur les yeux et plus sur la bouche. Ils ont un regard latéral sur les objets.
I.9. La répétition de gestes précis et le tournoiement
Les mouvements répétitifs et le tournoiement peuvent exprimer un haut niveau de stress et d’ennui chez les enfants autistes. Ils rendent compte, en outre, de ses besoins sensoriels.
I.10. L’absence du jeu avec les pairs
L’un des critères diagnostiques de l’autisme infantile d’après la Haute Autorité de Santé est l’altération qualitative des interactions sociales réciproques. L’enfant autiste n’essaie pas de jouer avec ses pairs (garderie-voisins-famille-et.) Il ne tente pas des jeux imaginatifs avec les autres enfants, il ne s’intéresse pas à eux et il a une réponse altérée quand ils s’approchent de lui.
- Autisme et langage
Les enfants « normaux » acquièrent progressivement le langage. Jusqu’à l’âge d’un mois, le bébé est capable de discerner la voix de la mère ainsi que les indices prosodiques et rythmiques. Il crie et pleure. Entre un mois et deux ans, l’enfant perçoit et produit la langue comme l’indique le tableau synthétique suivant : (Ouellet, C., 2016)
Perception | Production | |
Naissance –1 mois | Discrimination des contrastes de parole, de la voix de la mère, de la langue maternelle, sensibilité aux indices prosodiques et rythmiques | Cri, pleur, son végétatif |
1-7 mois | Catégorisation de sons et de voyelles, reconnaissance de syllabes, détection de l’intonation et d’indices prosodiques de diverses langues, perception intermodale | Rire, vocalisation avec ouverture et fermeture de bouche, sons vocaliques, contrôle de la phonation, variation et imitation d’intonations, début du babillage (alternance répétée de consonnes-voyelles) |
8-12 mois | Détection de frontières de syntagmes, préférence pour les contraintes phonotactiques de la langue maternelle, reconnaissance et compréhension de quelques mots, détection des frontières de mots, apprentissage de mots par association à des référents | Production de voyelles semblables à la langue maternelle, séquence variée de syllabe, intonation, consonnes et syllabes influencées par la langue maternelle, babillage varié, premiers mots |
12-16 mois | Compréhension de 100 à 150 mots et de phrases simples | Formes productives stables en relation avec les situations, production de 50 mots |
16-20 mois | Compréhension de 200 mots, distinction des catégories de mots | Production de 50 à 170 mots, production de verbes et d’expressions |
20-24 mois | Compréhension des relations, de l’ordre syntaxique des mots | Augmentation rapide du vocabulaire, production entre 250 et 300 mots, meilleure prononciation, phrases à 2-3 mots, début d’acquisition du genre et du nombre |
« Or, les enfants autistes se différencient des enfants neurotypiques dans les dimensions temporelles, qualitatives et quantitatives de [l’] apprentissage du langage ». (Daumer, N. 2014). En fait, des différences remarquables au niveau du langage sont notées chez les enfants autistes. Chez les autistes Asperger, le développement langagier est presque normal. Le syndrome d’Asperger est une forme d’autisme sans retard de langage ni déficience intellectuelle. Chez les autres groupes d’autistes, avec ou sans retard mental, l’acquisition du langage est différée voire impossible parfois. Leur developpement langagier est alors atypique. Si l’enfant autiste parle, il récupère souvent de manière accélérée sur le plan expressif, offrant même de belles phrases bien construites sur le plan morphosyntaxique et rattrapant ainsi les enfants de son âge vers 4-5 ans. Il n’existe pas un seul profil des troubles du langage chez un enfant avec TSA. Certains enfants ne développent pas assez le langage, « Près d’un tiers des enfants avec TSA ne développent pas de langage, ou uniquement une expression rudimentaire composée de seulement quelques mots ». (Prévot, P., 2019). D’autres présentent un phénomène de régression langagière à la suite d’un développement normal.
Parmi les aspects structurels, sémantiques et pragmatiques du langage (phonologie, morphologie, syntaxe, lexique, pragmatique), la pragmatique ou l’utilisation appropriée du langage en situation de communication, est quasi-absente chez les autistes. Ainsi, leur compréhension des blagues, des métaphores, du double sens, bref, de tout ce qui exige des compétences pragmatiques s’avère difficile voire impossible. Mais leur langage expressif reste plus touché que le langage réceptif.
Le langage des enfants avec TSA est souvent caractérisé par les écholalies, immédiates ou différées. L’écholalie immédiate c’est lorsqu’une personne répète quelque chose qu’elle vient d’entendre. L’écholalie différée est la répétition de phrases après une période.
III. Autistes entre “Cécité mentale” et compétences exceptionnelles.
Nous entendons par cécité mentale non seulement l’incapacité de l’enfant autiste à « voir » les états mentaux des autres, mais aussi son propre état mental.
Simon Bron parle de la représentation des états mentaux : le détecteur d’intention, le détecteur de direction des yeux, le mécanisme d’attention partagée et la théorie de l’esprit.
Un enfant autiste est capable, en premier lieu, de comprendre qu’une personne agit selon des désirs simples. « Les connaissances actuelles nous mènent à considérer que les enfants autistes en sont capables et donc que [id] ou détecteur d’intentionnalité est intact chez ces enfants. Tout d’abord, ces enfants utilisent le mot « veut » dans leur discours spontané ». (Baron-Cohen, S., Nadel, J., 1999, p.285-293). Il est capable, en deuxième lieu, de détecter la direction des yeux. « En effet, ils sont capables de détecter si une personne sur une photographie les regarde […]. En outre, ils traduisent la direction des yeux en termes de quelqu’un « voyant » quelque chose. Ils utilisent le terme de « voir » dans leur langage spontané ». (p.285-293)
Cependant, un enfant avec TSA est déficient au niveau de l’attention partagée. « Il est très rare que des enfants autistes manifestent la moindre forme de comportement d’attention conjointe. Ainsi, ils ne cherchent pas à contrôler le regard des autres […] non plus qu’à diriger leur attention visuelle en utilisant le pointage » (p.285-293) ; Il en est de même au niveau de la théorie de l’esprit.
« Ils doivent alors avoir des difficultés manifestes à comprendre les états mentaux épistémiques de croyance. […] Le test implique de voir que Sally met une bille à un endroit et que, plus tard, quand Sally est loin, Anne met la bille à un autre endroit. Il faut que l’enfant comprenne que puisque Sally était absente quand sa bille a été déplacée, elle n’est pas au courant du changement de lieu et, par conséquent, qu’elle doit croire qu’elle est toujours à l’endroit initial. » (p.285-293)
Mais la situation n’est pas aussi catastrophique, les autistes peuvent manifester des compétences particulières. Ils réussissent dans les tâches qui nécessitent une reconnaissance visuelle comme les puzzles. Certains d’entre eux ont une mémoire sensorielle exceptionnelle. En tout cas, leur mémoire est plus visuelle que verbale. Ils peuvent retenir des informations d’une manière exacte et très détaillée parce qu’ils ont une mémoire visuelle très poussée.
Le tableau ci-dessous synthétise les difficultés d’apprentissage ainsi que les compétences particulières des enfants autistes.
Difficultés | Compétences |
Dysphasie et troubles de communication | Mémoire sensorielle (visuelle surtout) |
Absence d’attention conjointe | Pensée par images |
Incapacité de saisir les données abstraites | Attention aux détails |
Concentration de courte durée |
- Autistes et lecture : défis et perspectives.
Promesses des neurosciences cognitives.
Trois découvertes des neurosciences cognitives concourent à faciliter le travail du formateur ou de l’animateur et à lui fournir une feuille de route claire dans son intervention auprès d’un enfant neurotypique : La plasticité cérébrale, l’épigénétique et les neurones-miroirs. Avant d’expliquer comment ces trouvailles peuvent orienter la démarche du formateur, il convient de se pencher d’abord sur leur sens et les principes à leur origine.
Qu’est-ce que la plasticité cérébrale ? (Masson, S., 2016)
Contrairement à ce que les neuro-mythes suggèrent sur les limites de l’apprentissage du cerveau à un âge avancé et sur l’usage limité à 10% des neurones, les neurosciences montrent que le cerveau dispose d’une grande capacité d’apprentissage à tout âge. Il s’adapte aux situations de l’environnement. Des interconnexions neuronales se créent au besoin de l’apprentissage. Plus l’apprentissage dure, plus les nouvelles synapses se créent. Continuer à apprendre peut même retarder le vieillissement cérébral.
Le processus de l’apprentissage est représenté par la métaphore de la forêt. Le cerveau est comme une forêt dans laquelle l’apprenant marche. Peuplée d’arbres touffus, la marche y est difficile. Pour se déplacer, l’apprenant doit écarter les branches, tâche difficile. Le passage répété du marcheur crée progressivement un sentier qui est de plus en plus facile à emprunter. Moins on emprunte ce sentier, moins il devient facile à la marche. Si on ne l’emprunte pas pendant un certain temps, le sentier est de nouveau recouvert d’arbres de plus en plus touffus et donc difficile à emprunter.
Au début de l’apprentissage, l’élève n’a pas encore développé ses sentiers (il lui est difficile d’avancer). Chaque fois qu’il essaie, ses neurones s’activent. C’est pourquoi certains élèves ne peuvent pas corriger leurs erreurs si elles résultent de réseaux solidement établis dans le cerveau.
Qu’est-ce que les neurones-miroirs ? (Alonsa, M., 2018)
Certains neurones moteurs dans le cerveau du singe agissent comme neurones-miroirs : elles permettraient de se voir agir à la place de l’autre comme dans un miroir. Des études prouvent indirectement que des cellules semblables existent dans le cerveau humain. Les neurones-miroirs favorisent l’apprentissage par imitation et engendrent des actions complémentaires à celles des autres.
Qu’entend-on par épigénétique ?
L’épigénétique (au-dessus de la génétique) est une branche de la bio qui s’intéresse aux changements héréditaires qui ne sont pas codés par la séquence d’ADN. La façon dont on nourrit et traite le cerveau joue un rôle crucial dans l’apprentissage.
Qu’est-ce que l’autisme selon les neurosciences ?
L’architecture cérébrale d’un enfant autiste n’est pas construite correctement. Certains circuits n’existent pas. Il y a une altération du système de capture et de traitement automatisé des informations socio-émotionnelles. L’autisme est une pathologie de la relation sociale et la perception de l’environnement et il s’avère justement que c’est la relation sociale et la perception de l’environnement qui font que le cerveau devienne mature. Par ailleurs, les neurosciences montrent d’après les techniques d’imagerie cérébrale l’importance de la perception visuelle dans le raisonnement des autistes.
Que conseiller à l’enseignant ou à l’éducateur spécialisé, d’après les découvertes des neurosciences ?
- Créer un environnement favorable en classe. L’impact de l’environnement est visible dans tout apprentissage.
- Encourager les apprenants à bien manger, bien dormir, à faire du sport ; bref, à adopter un style de vie sain.
- Eviter de les exposer à un haut niveau de stress et compatir avec eux pour pouvoir les rassurer.
- Exercer l’élève à gérer son stress et à laisser reposer son cerveau pour pouvoir apprendre convenablement.
- Apprendre c’est modifier des connexions cérébrales. Ainsi, si l’élève n’a pas su répondre à une question ou résoudre un problème, cela ne veut pas dire qu’il n’a rien appris mais que, tout simplement, ce qu’il a appris est difficile pour lui et qu’il n’a pas encore commencé à tracer ses propres sentiers.
- Pour bien apprendre, l’élève doit être actif, c’est-à-dire qu’il doit manipuler le matériel, réaliser des activités qui lui stimulent le cerveau.
- Un apprentissage n’est pas acquis à long terme si l’apprenant ne l’a pas répété. Mais il faut faire attention au fait que la répétition monotone est inutile. Son seul effet est la démotivation de l’élève. Ainsi, il est de prime importance de répéter de plusieurs manières, de varier donc les pratiques actives.
- Motiver, motiver, motiver et motiver.
- La reformulation du savoir permet à l’élève d’activer les réseaux neuronaux liés au contenu à récupérer.
- Commencer la séance par une révision des acquis et la finir par une récapitulation intelligente d’autres acquis.
- Multiplier les questions constructives qui développent les compétences intellectuelles.
- Impliquer les jeux de discrimination visuelle dans l’éducation des autistes.
- Méthodes de lecture en vogue.
Les trois grandes familles de lecture sont : les méthodes axées sur l’apprentissage du code, les méthodes axées sur la construction de sens et la méthode interactive.
- Les méthodes axées sur l’apprentissage du code : combinaisons de sons pour faire des syllabes/ combinaisons de syllabes pour faire des mots.
1.1. Méthodes synthétiques : ce sont les méthodes alphabétiques et syllabiques pures. On va de la lettre au son à la syllabe au mot. Savoir lire ce n’est pas comprendre mais décoder.
1.2. Méthodes analytiques.
Soit on lit des mots connus implicitement comme les jours de la semaine (méthode globale). Soit on part de textes produits par les enfants (méthode naturelle de Freinet). On peut de même commencer par la méthode globale (15 jours à 3 mois) et finir par la méthode alphabétique (méthode mixte ou semi-globale).
- Les méthodes axées sur la construction de sens.
Ce sont des méthodes idéo-visuelles : Mettre en rapport les choses connues par l’élève et celles qu’il perçoit. L’enfant reconnaît visuellement et auditivement des mots et des phrases puis il les décompose en mots et en syllabes.
- La méthode interactive.
Cette méthode combine l’apprentissage du code et la construction du sens. Activités qui intègrent code et sens en même temps.
Quelle méthode pour l’enfant autiste ?
D’après le centre de ressources autisme, de même que le service info autistes, la méthode globale d’apprentissage de la lecture convient aux élèves autistes, compte tenu de leur importante faculté de discrimination visuelle. C’est parfois la seule méthode qui peut fonctionner. Elle vise à associer les mots et les phrases à des images. Les enfants vont mémoriser la « photographie » du mot et ainsi l’assimiler. Nous croyons, en revanche, qu’une approche syllabique complémentaire serait en faveur d’une acquisition plus stable des mots et des lettres.
Par ailleurs, l’apprentissage de la lecture pour enfants autistes fait partie des méthodes d’intervention éducatives auprès des autistes.
ABA (Applied Behavior Analysis) : Enseigner à l’enfant comment apprendre en portant attention aux habiletés suivantes : être attentif, imiter, développer le langage réceptif et expressif, les habiletés pré-académiques et d’autonomie personnelle.
TEACCH (Treatment and Education of Autistic and related Communication handicapped Children) : Fournir des stratégies pour soutenir la personne durant toute sa vie. Favoriser l’autonomie à tous les niveaux de fonctionnement. S’adapter aux besoins individuels des personnes autistes.
PECS (Picture Exchange Communication System) : Aider l’enfant à initier une interaction communicative de manière spontanée. Aider l’enfant à comprendre les fonctions de la communication. Développer des compétences pour la communication.
GREENSPAN (Également connue sous le nom de Floor-Time, ou le modèle DIR : Developmental Individual-Difference, Relationship-Based)
INTÉGRATION : Éduquer autant que possible les individus avec des incapacités dans des classes et des milieux d’enfants normaux.
SCÉNARIOS SOCIAUX : Fournir un guide de conduite et des outils de gestion personnelle pour les situations sociales auxquelles les personnes autistes auront éventuellement à faire face.
- Méthode de lecture appropriée
Quand et comment apprendre à lire aux enfants autistes ?
Faut-il attendre qu’un enfant autiste parle avant de lui apprendre la lecture ? Un enfant autiste qui ne parle pas ne peut pas lire. « On retrouve là une ancienne tradition méthodologique de l’école maternelle déjà formulée en son temps par Pauline Kergomard qui insistait sur le fait qu’on ne saurait apprendre à lire à un enfant qui ne parle pas suffisamment sa langue, c’est-à-dire qui n’associe pas une signification aux mots qu’il prononce ou entend ». (Garcia Debanc, C., 1996). Cependant, le centre ressources autisme affirme qu’il ne faut pas attendre que l’enfant sache parler pour apprendre à lire. C’est parfois en apprenant à lire que l’enfant apprend à parler (visualisation de la syntaxe). Nous pensons qu’il faut toujours essayer d’inculquer cette compétence à bas âge même si l’enfant ne parle pas.
Cependant, une condition semble nécessaire pour amorcer un apprentissage de la lecture chez un enfant autiste, c’est le niveau intellectuel acceptable de l’apprenant. N’oublions pas que les enfants autistes présentent un retard mental. « […] La moitié du groupe autistique […] présente une déficience intellectuelle lorsque mesurée par les échelles de Wechsler ou d’autres instruments qui requièrent le langage pour la formulation des questions et l’expression de la réponse ». (Mottron, L., 2010, p.45-57)
Quel que soit le moment où l’on décide de commencer l’apprentissage de la lecture, il est essentiel de rendre l’espace qui encadre cette opération sécurisant et attrayant à la fois.
Par ailleurs, les atouts cognitifs de l’enfant autiste et les apports des neurosciences à l’éducation constituent des adjuvants à l’éducateur pour bien mener sa mission.
Le tableau ci-dessous résume les modalités d’enseignement de la lecture à un enfant autiste.
Objectifs | 1. Décoder
2. Prononcer 3. Comprendre |
|
Durée/ Fréquence | Par année scolaire/ 36 semaines de travail/ en fonction de 10 périodes de 30mn par semaine/ 2 fois/jour | |
Type de manuel : personnalisé | Numérique (plus facile à personnaliser) /Livre : construit selon la méthode globale = photo + légende (un à plusieurs mots par légende) / cahier de jeux : construit selon la méthode syllabique (mot à ranger/ mot coupé/mot intrus/syllabes à colorier/ etc.) et illustré d’images qui représentent les mots. | |
Contenu | Besoins naturels de l’enfant : manger, boire, dormir, sortir, jouer, etc./ thèmes habituels : famille, école, animaux, fruits, légumes, couleurs, etc./ lexique quotidien et fondamental et expressions usuels : je veux, oui, non, je ne veux pas,
J’aime, je n’aime pas, je suis heureux, je suis malade, etc. |
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Stratégies de décodage et de compréhension
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Stratégie | Exemples |
Répéter autrement/ Répéter les mots en les alliant avec d’autres mots dans le même manuel et dans les autres manuels. | La fille mange/ le garçon mange/ je mange une banane. | |
Créer des liens morpho –syntaxiques et sémantiques Expansion, réduction d’une phrase/ Rapport photo/mot ou phrase | C’est un biscuit/ un biscuit au citron/ un biscuit au citron et au chocolat/ un biscuit au citron, au chocolat noir. | |
Créer par association d’idées ou de mots | Glace au chocolat- chocolat noir-chocolat blanc- gâteau au chocolat | |
Pousser à prévoir et à s’adapter (changer les motifs) / Suivre un motif particulier dans la progression puis le changer de temps en temps. | La fille…/ le garçon…/ la fille…/le garçon
La fille… (3fois) / le garçon (3 fois) |
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Nouveauté | Manuel personnalisé : Chaque enfant a ses manuels propres construits à partir de photos prises de son quotidien, si possible ; photos qu’il connait et qui représentent ses meilleurs moments. |
Pour bien comprendre les stratégies à la base de l’élaboration du manuel personnalisé, nous proposons, ci-dessous, un aperçu du contenu verbal de deux manuels (les photos qui illustrent les mots et les phrases ont été supprimés ici parce qu’elles nécessitent un espace assez large), le premier est construit autour du thème des couleurs et le deuxième des loisirs.
Manuel 1 : Les couleurs
Page 1 : rouge (La photo représente un support rouge)
Page 2 : fleur rouge (la photo représente une fleur rouge)
Page 3 : toilettes rouges (la photo représente des toilettes rouges)
Page 4 : rouge (la photo représente une lettre rouge)
Page 5 : chaise rouge (la photo représente une chaise rouge)
Page 6 : sandales rouges (la photo représente des sandales rouges)
Page 7 : lunettes rouges (la photo représente les lunettes rouges)
Page 8 : rouge (la photo représente le mot ROUGE)
Page 9 : chaise rouge (la photo représente une chaise rouge)
Page 10 : fraises rouges (la photo représente des fraises rouges)
Page 11 : oiseau rouge (la photo représente un oiseau rouge)
Page 12 : jaune (la photo représente un rectangle jaune)
Page 13 : chaise jaune (la photo représente une chaise jaune)
Page 14 : sandales jaunes (la photo représente des sandales jaunes)
Etc.
(Les autres couleurs de base : bleu et vert sont exploitées de la même façon)
Manuel 2 : Les loisirs
Page 1 : Danser (la photo représente un garçon qui danse)
Page 2 : Danser (la photo représente une fille qui danse)
Page 3 : Chanter (la photo représente un garçon qui chante)
Page 4 : Chanter (la photo représente une fille qui chante)
Page 5 : Garçon (la photo représente un garçon)
Page 6 : Fille (la photo représente une fille)
Page 7 : Fille et garçon (la photo représente une fille et un garçon).
Page 8 : Le garçon chante (la photo représente un garçon qui chante)
Page 9 : Le garçon danse (la photo représente un garçon qui danse)
Page 10 : La fille chante (la photo représente une fille qui chante)
Page 11 : la fille danse (la photo représente une fille qui danse)
Page 12 : La fille nage (la photo représente une fille qui nage)
Page 13 : le garçon nage (la photo représente un garçon qui nage)
Page 14 : le garçon saute (la photo représente un garçon qui saute)
Page 15 : la fille saute (la photo représente une fille qui saute)
Page 16 : sauter (la photo représente un trampoline et un enfant qui saute)
Page 17 : La fille joue au ballon (la photo représente une fille qui joue au ballon)
Page 18 : Le garçon joue au ballon (la photo représente un garçon qui joue au ballon)
Page 19 : ballon (les photos représentent des ballons)
La méthode de lecture proposée est une variante des méthodes utilisées (globale, syllabique, idéo-visuelles et interactives). Elle est basée sur les données des neurosciences cognitives et sur une expérimentation, pendant deux ans, sur un enfant autiste et qui a donné de bons résultats, dans un cadre extra- scolaire.
Le premier obstacle est la motivation. Comment faire pour amener l’enfant à pratiquer une activité qui ne l’intéresse pas. Les photos personnelles de l’enfant peuvent être une motivation possible au début, à condition qu’elles soient des photos qu’il aime. Il convient ensuite de fixer des périodes de travail qui conviendraient à l’enfant et de les transformer en un rituel. Les enfants autistes aiment les rituels. La motivation naturelle de l’enfant à la lecture commence au moment où il se sent capable de lire.
Pour que les séances de lecture soient efficaces, il faut choisir un cadre de travail sécurisant pour l’enfant (habituel, bien climatisé, dénué de tout ce qui le dérange).
L’éducateur pose une question sur l’image : « qu’est-ce que c’est ? ». Puis il lit le mot ou la phrase et demande à l’enfant de répéter ce qu’il lit.
Les manuels personnalisés sont construits à partir des photos qui représentent l’actualité de l’enfant autiste, les membres de sa famille, son école, sa maison, son chat ou son chien, le supermarché, le jardin, bref, les endroits qu’il fréquente, les fruits, les légumes, les plats qu’il aime, les activités qu’il pratique etc. Ils sont articulés autour des champs lexicaux qu’il utilise fréquemment.
Un manuel traite d’un thème unique (Ex. besoins naturels, activités, loisirs, école, activités de papa, de maman, du frère, de la sœur, aventures du chat, etc.). Les mots et les expressions de base se répètent dans le même manuel ou au niveau de tous les manuels, à condition que la répétition ne soit pas ennuyeuse. Les mots élémentaires (boire, manger, dormir, etc.) ou les expressions (Je veux, je peux, j’aime, je désire, je ne veux pas, etc.) sont répétés selon des motifs bien définis : alliance avec d’autres mots, ordre particulier (cf. exemples supra).
Des liens morpho- syntaxiques et sémantiques sont créés entre la photo et la légende d’une part et entre les éléments de la phrase-légende d’autre part. Les phrases sont créées parfois par association d’idées.
Ex.
Page 1 : Michel mange une glace
Page 2 : Une glace au chocolat
Page 3 : Du chocolat noir
Il est parfois recommandé de changer le motif adopté afin que l’enfant s’adapte aux imprévus. Il est de même conseillé d’espacer les deux séances de lecture quotidienne 30mn/30mn et de varier l’approche entre les deux. 1ère séance : lecture/ deuxième séance : activités de lecture et jeux.
L’essentiel dans tout apprentissage offert à des enfants autistes est l’adaptation à leur rythme intellectuel. Ceci leur évite l’angoisse de ne pas savoir faire. Si on les trouve coincés, il faut changer d’activité ou revenir à un savoir déjà acquis. La répétition dans l’exercice du savoir-faire est de prime importance, la motivation permanente, de même.
Reste à expérimenter cette approche sur une centaine de cas avant de décider des améliorations qu’on peut y introduire.
En réponse à la question de l’efficacité des sciences humaines, nous disons : Lors des grandes crises du monde, on a recours au médecin, à l’informaticien, à l’ingénieur, mais aussi au psychologue, à l’enseignant et au sociologue, pour ne citer que ces quelques exemples.
Il est temps de reconsidérer le rapport sciences humaines/sciences exactes sous un aspect moins conflictuel et plus complémentaire.
الهوامش
[i] Enseignante de littérature et de langue française à l’université libanaise (section V), Email:hamsa3fr@yahoo.fr
مدرسة الأدب واللغة الفرنسية في الجامعة اللبنانية (الفرع الخامس).
Références
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