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Représentations des jeunes travailleurs libanais peu qualifiés et travail décent

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Représentations des jeunes travailleurs libanais peu qualifiés et travail décent

Rowayda Zein Noaman*

(Université Libanaise, Professeure assistante à la Faculté de Pédagogie et à celle des Lettres et Sciences Humaines ; Université LibanoFrançaise ; Membre associée de l’équipe de l’Inetop – Psychologie de l’orientation du centre de recherche sur le travail et le développement (CRTD) de Paris ).

Résumé

La recherche consiste à explorer les représentations que des jeunes Libanais, peu ou non qualifiés, ont du travail en général, de leur travail actuel et de leur situation actuelle en lien avec le travail décent. Il n’y a que 36,7 % des jeunes Libanais âgés de 15 à 29 ans qui occupent un emploi et leur situation est majoritairement précaire (Haddad, 2017). Nous avons conduit des entretiens avec 10 jeunes (5 garçons et 5 filles) âgés de 20 à 25 ans qui étaient peu ou non qualifiés. L’analyse de contenu des entretiens a été conduite dans le cadre des théories scientifiques relatives aux représentations du travail (Guichard, 2011) et en se référant aux définitions du travail décent  (Ribeiro, Silva et Figueiredo, 2016 ; ILOT, 2017). Les résultats montrent, d’une part, que les conditions de travail de tous les jeunes sont éloignées de la définition du travail décent et, d’autre part, que les filles ont globalement une meilleure représentation du travail qui leur procure une certaine liberté individuelle (Dejours, 2009) à laquelle elles n’auraient pas accès si elles ne travaillaient pas.

Mots-clés : jeunes travailleurs, représentation du travail, travail décent, analyse de contenu.

Introduction

La révolution technologique et la croissance économique au Liban ont surtout créé  des emplois temporaires et, le plus souvent, non déclarés à l’administration de l’emploi (Chaaban, 2016).

Le Liban est marqué par un taux d’activité professionnelle faible et stagnant d’environ 49 %. Selon l’enquête sur l’emploi menée par la Banque mondiale en 2010, 40 % de la main d’œuvre au Liban est non déclarée à l’administration de l’emploi (Bou Khater, 2017) et 48 % de la population active libanaise a un niveau d’études élémentaire », selon l’économiste et ancien ministre du Travail, Charbel Nahas (Al-Attar, 2015)

Commandité par la Commission européenne, un sondage – effectué dans le cadre du projet Sahwa (L’éveil, en arabe), a regroupé 15 partenaires de pays européens et arabes (Algérie, Égypte, Liban, Maroc et Tunisie) et piloté par des universités et des ONG – a été mené entre 2014 et 2016 auprès de 10 000 jeunes, dont environ 2 000 Libanais âgés entre 15 et 29 ans. Selon ce sondage, seuls 36,7 % des jeunes Libanais interrogés occupent un emploi. Et, lorsqu’ils sont employés, leur situation est majoritairement précaire : 47,2 % des sondés n’ont pas de contrat de travail, et seulement 38,2 % d’entre eux sont en CDI. Ainsi, 54,6 % des jeunes ne sont pas enregistrés à la Sécurité sociale (CNSS) parce que leur employeur refuse de les déclarer (Haddad, 2017).

En ce qui concerne les contextes socio-économiques dans lesquels ils vivent, les jeunes sont soumis à différentes influences qui pourraient les amener à percevoir leur situation comme une source de satisfaction et d’épanouissement. Les jeunes peu qualifiés et peu scolarisés devraient avoir des représentations variées des situations de travail, bien que ces situations soient objectivement plutôt dégradées (ILO, 2015). Les employés peu qualifiés sont ceux qui ont peu de compétences professionnelles et qui ont le plus souvent suivi un enseignement secondaire sans le mener à son terme (Tether, Mina, Consoli, et Gagliardi, 2005).

Cette recherche a pour objectifs :

– d’explorer la façon dont les jeunes Libanais peu ou pas qualifiés, se représentent, d’une part, le travail de façon générale et, d’autre part, leur travail actuel ;

–  d’analyser la situation actuelle de travail de ces jeunes pour savoir s’il s’agit d’un travail qui entre dans la catégorie du travail décent.

  • Représentations du travail, subjectivité et identité

Dans le livre de Gosling (1996, p. 114), la notion de représention sociale est présentée comme suit : « Moscovici introduit le terme ‘‘représentations sociales’’ en 1961 et nous en donne la définition la plus complète en les présentant comme des systèmes de valeurs, des idées et des pratiques dont la fonction est double : en premier lieu, établir un ordre qui permettra aux individus de s’orienter et de maitriser leur environnement matériel, ensuite, faciliter la communication entre les membres d’une communauté en leur procurant un code pour désigner et classifier les différents aspects de leur et de leur histoire individuelle et de groupe » (Moscovici, 1961) (…). Le travail, la profession, l’emploi et le chômage sont des objets sociaux proches qui génèrent des représentations sociales interdépendantes (Negura et Lavoie, 2016). « En étudiant  les représentations sociales, on cherche à étudier ce que les gens pensent et comment et pourquoi ils le pensent. » (Gosling, 1996, p. 114). En ce qui concerne les représentations du travail, elles sont notamment liées aux niveaux de revenu (métiers bien ou mal payés), au genre (métiers masculins ou féminins) et à de hiérarchies sociales (niveau de prestige). Salmaso et Pombeni (1986) voient des différences entre les perceptions des personnes relatives à ce  qu’est le travail et à ce qu’il devrait être.  Guichard (2011) distingue différentes manières de percevoir le travail : la représentation sociale des métiers, la représentation personnelle de son propre travail intégrant le sens profond que chaque personne donne à son travail. Ces diverses approches permettent d’appréhender les différentes perceptions liées au concept de travail chez les personnes.

               Pour certains sociologues et psychologues du travail, d’ergonomes et de psychanalystes comme Georges Friedmann (1950, 1964), Pierre Naville (1956), Alain Touraine (1965), André Gorz (1988), Christophe Dejours (2009), Michel Lallement (2007), la question fondamentale ne concerne pas ce qui oppose « le travail décent et le travail non décent » mais la question des différents effets des formes d’organisations du travail sur le vécu subjectif des travailleurs, sur leur construction de soi et sur leur personnalité. Supiot (2010) se fonde sur le même principe, celui de la reconnaissance de la dignité – valeur inhérente à tous les humains qui constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde (Supiot, 2010). Pour lui, le lien entre liberté de l’esprit et sécurité du corps conduit à subordonner l’organisation économique au principe de justice sociale. Guichard (2016a, 2016b) rappelle que deux penseurs majeurs du 20e siècle – Paul Ricœur (1990) et Hans Jonas (2013) –  ont proposé de se demander si les activités de travail  contribuent ou nuisent au développement d’un « bien vivre, avec et pour autrui, dans des institutions justes, en vue d’assurer la pérennité d’une vie authentiquement humaine sur terre. »

            Le travail joue également une fonction psychologique qui contribue à la construction de l’identité individuelle. Comme le note Pouyaud (2015), l’identité est une ressource fondamentale qui soutient le développement de carrière. Les situations de travail mobilisent la construction identitaire d’individus (Duffy, Blustein, Diemer, et Autin, 2016). Le travail peut contribuer à l’identité sociale en tant que travailleur, membre d’une organisation ou d’une équipe, expert ou spécialiste doté de certaines compétences (Guichard, 2009). Les  expériences professionnelles permettent l’acquisition d’un capital social, le développement de  relations et de  réseaux  favorisant  l’accès  à  l’information (Cohen-Scali, 2010). Dejours (2009) met l’accent sur l’investissement subjectif que les personnes font dans leur travail. Le travail est alors décrit comme une activité subjective qui implique les capacités émotionnelles, cognitives et morales des individus et les transforme en retour pour le meilleur (développement des compétences, sentiment de réalisation de soi, expression de la créativité…) ou pour le pire (épuisement professionnel, impuissance, solitude, dépréciation de soi…). Méda et Davoine (2008) ont souligné dans leurs enquêtes que les employés désirent que le travail puisse leur offrir des expériences qui suscitent des sentiments de réalisation de soi et de fierté. Dans certains contextes, il est impossible de faire son travail correctement et c’est la situation qui est la plus dommageable pour les travailleurs (Clot, 2010). Pour être en bonne santé au travail, les travailleurs doivent disposer d’un pouvoir d’agir permettant de faire évoluer leur travail.

II- Définition du travail peu qualifié

De fortes normes culturelles et psychologiques poussent la plupart des gens à travailler. Les êtres humains ont besoin de s’engager dans des « projets de vie » ayant du sens pour eux. Ces projets ne doivent pas nécessairement être liés au travail (rémunéré ou non rémunéré), comme il est couramment socialement défini. Le sens du travail est également, dans une grande mesure, subjectif et individuel. En effet, le travail peut être une question de vie ou de mort pour une personne, et il peut constituer un choix de vie pour une autre. C’est pourquoi la définition du travail doit être flexible et que le travail n’est pas seulement lié au lieu de travail (ILOT, 2017).

Le travail décent est  une composante importante du bien-être et il est une variable essentielle et centrale permettant l’accès à une variété d’opportunités. Le travail décent est de plus en plus rare (Organisation internationale du travail, 2014 ; OCDE, 2015 ; Duffy et al., 2016).

Depuis 1999, l’Organisation internationale du travail (OIT) a élaboré une définition qui regroupe un ensemble de dimensions permettant de décrire le travail qualifié et qui peuvent être utilisées pour évaluer les conditions de travail dans différentes parties du monde afin d’améliorer le travail de la main-d’œuvre mondiale : « Le travail décent rassemble les aspirations des êtres humains au travail. Il regroupe l’accès à un travail productif et convenablement rémunéré, la sécurité sur le lieu de travail et la protection sociale pour les familles, de meilleures perspectives de développement personnel et d’insertion sociale, la liberté pour les individus d’exprimer leurs revendications, de s’organiser et de participer aux décisions qui affectent leur vie, et l’égalité des chances et de traitement pour tous, hommes et femmes ». Ces quatre aspirations majeures des employés relatives à la nature du travail fournissent un cadre utile pour une époque qui connait un accroissement du travail contractuel, du travail temporaire et des emplois peu rémunérés. Concernant l’égalité des hommes et de femmes, cet aspect est spécifique à l’expérience d’un individu sur le lieu de travail.

               A ce propos, Ribeiro, Silva et Figueiredo (2016) défendent un point de vue différent de celui de l’OIT, selon lequel le travail informel devrait être compris de façon positive en ne l’opposant pas au travail formel. Selon eux, le plus important serait de se concentrer sur le manque de protection sociale, et non sur la précarité potentielle ou le manque de formalisation du travail informel qui a des modes d’organisation et des règles spécifiques.

En philosophie politique, la littérature portant sur le « travail qui a du sens » permet d’élargir la notion de travail décent proposée par l’OIT, en raison de la nécessité de référer le contenu du travail à une définition précise de la justice. Le rapport Realizing Decent Work in Asia (2006), rédigé par le Directeur général, affirmait que l’accès à un travail décent pour tous nécessitait à la fois :

  • qu’une quantité suffisante d’emplois soit créée grâce à la croissance économique ;
  • que les emplois décents créés soient définis par des situations de travail sans danger, par un nombre d’heures limité, par un cadre permettant aux travailleurs de s’organiser et d’exprimer leurs intérêts collectivement et, surtout, par un niveau de salaire qui  permette au travailleur ainsi qu’à leur famille de ne pas tomber en-dessous du seuil de pauvreté.

Les critères qui définissent un « travail décent » doivent pouvoir être interprétés d’une manière suffisamment objective pour qu’ils ne prêtent pas à controverse. Mais, comme l’a noté Somavia (2010), selon la liste des critères figurant dans la définition d’Arneson (1987), un travail fait sens lorsque c’est un travail intéressant qui nécessite de l’intelligence et de l’initiative et qui correspond à un emploi où le travailleur bénéficie d’une grande liberté pour décider de la manière d’accomplir son travail et qui lui permet d’avoir son mot à dire sur le caractère du processus du travail et sur les politiques poursuivies par l’entreprise qui l’emploie. A ce propos, Dejours note que si le travail doit être décent, il doit l’être d’abord pour des sujets humains. Cela exigerait des institutions sociopolitiques qu’elles reconnaissent explicitement la centralité du travail pour les individus et la vie de la collectivité. L’une des composantes essentielles prises en compte par l’OIT  en faveur du travail décent, est sa dimension éducative et culturelle qui viserait à alerter les autorités et le public en général de l’importance centrale des relations de travail dans la vie individuelle, la vie sociale et la vie démocratique (Deranty et  Millan, 2013).

III- Objectifs et hypothèse

               L’objectif de cette recherche consistait d’abord à explorer la question suivante : comment les jeunes libanais peu qualifiés perçoivent le travail en général, leur travail et leur situation actuelle et, ensuite, à suggérer des pistes visant à améliorer ces situations grâce à des interventions d’orientation professionnelle.

Selon la définition du travail décent donnée par l’Organisation internationale du Travail (OIT), définition choisie comme cadre général, cette recherche propose de mettre l’accent sur trois aspects principaux du travail qui doivent être pris en compte pour évaluer la distance qui sépare la situation de la personne du travail décent :

1 / Le respect de la liberté et de l’égalité dans le contexte du travail (dimension politique du travail décent) qui comprend :

– le bénéfice de la protection sociale pour la personne et la famille,

– La liberté d’organisation syndicale,

– La participation aux décisions concernant les conditions de travail qui affectent leur vie,

– Les possibilités d’égalité entre hommes et femmes,

2 / Les dimensions objectives du travail effectué, critères qui permettent d’évaluer dans quelle mesure il apparaît décent ou non (dimension de l’activité de travail).

3 / La capacité du travail à répondre aux préoccupations les plus profondes et à participer à la construction de l’identité professionnelle de la personne (qui fait référence à l’identité et à la dimension émancipatrice du travail décent).

Les représentations que les jeunes libanais ont de leur travail sont liées à la fois au rapport au travail et aux conditions de travail objectives. Notre hypothèse principale est qu’ils perçoivent leur travail comme insatisfaisant et comme non décent.

 

Méthodologie

Participants

10 jeunes (5 garçons et 5 filles) âgés de 16 à 25 ans, âgés de 16 à 25 ans étaient peu ou non qualifiés, ont été interviewés sur leur travail dans une ville au nord du Liban, Tripoli (voir Tableau1)

Tableau 1 : Présentation des jeunes interviewés

Pseudonyme Sexe Age Niveau d’études Travail actuel
1 G 22 5e Ouvrier dans une orfèvrerie
2 G 24 3e (brevet) Mécanicien auto
3 G 23 4e Ouvrier dans un poulailler industriel
4 G 18 Première année secondaire Employé dans une station d’essence
5 G 23 4e Vendeur dans un magasin de chaussures
6 F 24 4e Vendeuse dans une société

pour les articles domestiques

7 F 23 6e Vendeuse dans une boutique pour femmes voilées (djellabas et foulards)
8 F 16 5e Vendeuse dans une boutique de vêtement
9 F 24 3e Vendeuse dans une boutique à vêtements
10 F 20 3e Caissière en restauration rapide.

 

Outil

Un questionnaire ouvert a été utilisé. L’outil explore quatre aspects de l’expérience des jeunes, en lien avec le travail décent :

  1. Perception du travail  en général (Que pensent-ils du travail tel qu’il est et tel qu’il devrait être ?)
  2. Leur propre travail : description, évaluation, explications (en quoi consiste leur travail ? Comment le considèrent –ils ? Est-il décent ou pas ?)
  3. Leur récit de vie : (Comment sont-ils arrivés à faire ce travail ?  Quels évènements ont joué un rôle ? Comment voient-ils leur futur ?)
  4. Leur identité actuelle et les relations avec leurs autres sphères de vie ? (Comment organisent-ils leur vie avec ce travail ? avec leurs autres sphères de vie ? Comment pensent-ils que leur vie pourrait évoluer ?)

Les entretiens ont été analysés avec une méthode d’analyse de contenu thématique. C’est sur la base des différentes questions renvoyant aux thèmes prédéfinis en fonction des besoins de la recherche et en référence à la définition du travail décent donnée par l’Organisation internationale du travail proposée que les contenus verbaux des entretiens des jeunes ont été traités au moyen d’une analyse de contenu.

Les résultats sont présentés en deux parties. La première partie porte sur l’analyse thématique des entretiens et la deuxième partie correspond à la description de deux cas de jeunes selon leur perception du travail (plus ou moins décent). Le premier cas est celui d’un jeune qui trouve son travail très peu décent et le second cas est celui d’un jeune qui trouve son travail suffisamment décent.

L’analyse thématique des entretiens. Les résultats de l’analyse thématique des entretiens menés avec des jeunes peu qualifiés sur leurs perceptions du travail en général, puis de leur propre travail, sont présentés.

  • Les perceptions du travail en général

Ce premier thème a permis de repérer les perceptions que les jeunes ont du travail.

  • Un moyen permettant de gagner de l’argent et d’accéder à la consommation.

Cinq garçons et trois filles (soit 8 jeunes) considèrent  essentiellement le travail comme un moyen de gagner sa vie, lui attribuant ainsi une valeur uniquement instrumentale. Le travail permet en effet de gagner de l’argent et d’accéder ainsi à la possibilité de consommer. C’est le cas d’Issa : « Le travail est un moyen pour nous maintenir en vie et nous en avons beaucoup besoin ». Quant à Fadia, elle nous dit : « Le travail est une occupation, un métier qui procure à l’homme de l’argent qui permet de faire face à toutes les nécessités de la vie ».

  • Sa contribution à la construction identitaire (Verbatim : ajouts trouvés dans d’autres thèmes, voir la fiche sur le thème 1).

Le travail est un vecteur de développement de ses connaissances, de son indépendance  et il est aussi un facteur de renforcement de ses sentiments d’auto-efficacité, de la confiance en soi, et de ses compétences relationnelles et sociales.

Parmi les 10 jeunes interrogés :

Deux garçons et deux filles (4 jeunes) évoquent les compétences sociales développées dans le cadre des activités de  travail. C’est le cas de Mahdi, qui présente son point de vue comme suit : «  Le travail améliore ses relations avec les gens, il permet d’entrer en contact avec des gens éduqués et  cultivés qui affectent ta personnalité. Je suis entré en contact avec des clients éduqués qui m’ont appris beaucoup de choses ».  Aischa trouve dans le travail un moyen d’être en contact avec des gens : «  Ce travail… m’aide à connaître et à entrer en contact avec plus de gens, surtout lorsque je contribue à répondre à leurs demandes et à les recevoir avec un visage souriant…. Mon  travail contribue à mon développement personnel tout en faisant la connaissance de plus en plus de personnes. Par exemple, mes amis attendent que je rentre du travail pour qu’ils viennent me faire part de leurs soucis ».

Quatre filles trouvent dans le travail un moyen d’être indépendantes et de se réaliser elles-mêmes. C’est le cas de Fadia qui dit : « Le travail est quelque chose de très important dans notre vie. J’aime bien le travail pour les filles, cela leur permet de devenir indépendantes. Le travail est intéressant, que ce soit pour les filles ou pour les jeunes garçons ». Quant à Chadia, elle dit que le travail lui permet de se réaliser elle-même : «  Je souhaite maintenant qu’avec la chance, avec mes efforts, et grâce à mon travail actuel  je puisse me réaliser moi-même et réaliser ce que je ne peux pas faire avec mes études ».

Une fille trouve dans le travail  un moyen de développer ses compétences. C’est le cas de Aicha : « Mon travail en tant que vendeuse dans une boutique de vêtements m’aide à connaitre plus le domaine du commerce ; comment tirer profit ; déduire ses proportions et ses pourcentages ».

  • Un moyen de satisfaction 

Trois filles considèrent le travail comme un moyen de satisfaction. C’est le cas de  Rita : « Le travail pour moi est très important, il ne constitue pas seulement un moyen pour gagner de l’argent, mais aussi une distraction, un moyen qui me permet  de sortir de la maison et d’éviter l’ennui ».

  • Une certaine qualité et une valorisation de soi

Deux garçons et quatre filles  (6 jeunes) évoquent certaines qualités du travail (important, intéressant, confortable, organisé, plaisant, point fort, fructueux, rentable, beau, en accord avec les valeurs).  C’est le cas  de Aicha pour qui : « Le travail est indispensable à  cette époque-là  puisque celui qui n’exerce pas un emploi et celui qui n’est pas productif ne vaut rien dans la vie ». Quant à Fadi, il le considère comme un point fort : « Le travail est un point fort…  Le travail vous fortifie  et il assure un emploi aux chômeurs si votre travail est une activité commerciale ».

  • La dimension relationnelle du travail

Ce thème évoqué par les jeunes renvoie à la dimension relationnelle du travail. Il a trait aux relations positives ou négatives avec les collègues, les patrons, les clients et à l’ambiance dans le travail.

 Quatre  filles et deux  garçons (6 jeunes) déclarent qu’ils ont de bonnes relations sociales dans le cadre de leurs activités de  travail, que ce soit avec leur patron ou avec leurs clients.  C’est le cas de Toni qui dit : « Mon patron est bon, et j’ai tissé de bonnes relations sociales avec les clients… J’ai moi-même fixé le salaire  et le patron a accepté, il ne me refuse rien » et de Fida : «   Je ne peux pas m’absenter beaucoup  parce que les patrons sont gentils avec moi, ils me traitent comme s’ils étaient mes parents… J’ai toute la liberté de faire ce que je veux parce que les patrons ont confiance en moi. Ils m’aiment… Les patrons me traitent bien pour cela, je suis très attachée à ce travail et je ne pense pas le quitter… La patronne me conseille souvent et je prends toujours en considération ses conseils et son point de vue… Mes relations avec les gens sont très bonnes. On peut même dire qu’elles sont excellentes».

Trois garçons et deux filles (5 jeunes) déclarent qu’ils ont de mauvaises relations sociales dans le cadre de leurs activités de travail. C’est le cas de Mahdi qui dit : « Le patron nous épuise au travail, il ne nous paie pas à temps… il nous traite mal… Le patron ment aux clients, aux ouvriers, il promet mais il ne tient pas ses promesses et il  nous oblige  à accomplir des tâches difficiles que nous n’aimons pas… Mon activité professionnelle m’amène à réaliser des activités qui entrent en conflit avec mes valeurs morales… Le patron nous traite mal… Il nous épuise au travail, il ne nous paie pas à temps, il nous offense avec de gros mots pour des raisons minimes, il ne nous remercie pas, il ne nous adresse aucun compliment même si le travail est parfait, il se contente de dire :‘‘tu dois mieux faire’’ ». Ainsi, Tania déclare avoir une mauvaise relation avec son patron : « Mon patron m’oblige à rester  toujours debout … Il n’y a pas d’interaction possible. On ne peut parler que lorsqu’il s’agit d’une affaire importante et qu’il est nécessaire d’avoir un échange à ce sujet… La relation avec mes collègues n’est que passable et cela me dérange car je ne sens pas à l’aise…. ».

  • Votre travail actuel

Des conditions de travail difficiles

Les discours développés par les jeunes sur  leur travail actuel ont permis d’identifier les conditions de travail difficiles que connaissent les jeunes.

Sept jeunes (4 garçons et 3 filles) ont évoqué des conditions de travail difficiles. C’est le cas de Toni : « Le nombre des employés est insuffisant et on est obligé d’aider les autres employés à faire leurs tâches. On se fatigue doublement : le travail est interminable et il n’y pas de temps libre… Parfois, la quantité du travail devient si énorme que je n’arrive pas à supporter cette tension et ce stress. Cela devient intolérable… Si parfois nous trouvons du temps libre, nous travaillons dans le second magasin… Nous ne bénéficions pas d’un régime de sécurité sociale, nous n’avons rien du tout ». Rita aborde aussi ses conditions difficiles : « Le régime de sécurité sociale est absent … Mon salaire est très minime. Ce salaire ne récompense même pas la moitié de  mes efforts et la fatigue causée par le fait que je dois rester debout tout le temps. Mon salaire ne me suffit pas, je trouve que je mérite d’être mieux rémunérée, mais c’est mieux que rien. »

Ces aspects objectifs (conditions de travail, tâches à réaliser) se mêlent à des dimensions plus subjectives (émotionnelles, affectives, relationnelles).

Cinq  jeunes (4 filles et un garçon) soulignent l’importance de ce que leur rapporte le travail. Firas évoque l’occasion de faire la connaissance de nouvelles personnes : « J’entretiens de bonnes relations sociales et il m’arrive de faire la connaissance de bonnes et de mauvaises personnes. ». Aïcha accorde de l’importance aux relations avec les gens : «  Ma relation avec  l’employeur  est très bonne et avec les gens aussi… Cela me rend heureuse et me motive davantage pour venir au travail… Les relations sociales m’intéressent beaucoup plus que l’argent… Mes collègues se sentent à l’aise et me parlent de toutes leurs préoccupations, de ce qui les inquiète… ce qui me permet de profiter de leurs expériences… »

 

  • Le récit de vie

Transitions

Les discours des jeunes ont permis d’identifier  des évènements importants qui font partie de la vie adulte comme ceux des transitions en précisant la façon dont les jeunes y font face.

Six jeunes (3 garcons et 3 filles) évoquent leurs transitions professionnelles. C’est le cas de  Fouad : « J’ai suivi mes études jusqu’au brevet. Ensuite, j’ai viré vers l’éducation technique, je me suis spécialisé en coiffure… Je n’ai pas ouvert mon propre salon de coiffure puisque c’est fatigant, et avec un rendement minime… En plus, ma femme n’aime pas le contact direct avec les femmes… Je n’ai pas aimé l’école. Et je n’avais pas d’encouragement dans mon entourage… J’ai commencé à travailler comme stagiaire après l’école technique… Mes parents ne m’avaient pas encouragé à poursuivre mes études. Et lorsque j’ai choisi de travailler comme vendeur dans un magasin de chaussures, c’était encore pire. ». Pour Chadia, la situation économique de ses parents l’a obligé à ne pas poursuivre sa formation : «  Je n’ai pas poursuivi mes études secondaires et pourtant j’ai suivi des cours d’informatique, puis j’ai abandonné mes études, je suis restée deux ans au foyer sans suivre d’études à cause de la situation financière de mes parents… Ils étaient incapables de payer mes études, alors j’ai quitté l’école et je suis allée chercher un travail pour subvenir aux besoins de ma famille et à leurs dépenses… J’ai commencé à travailler dans une boutique de vêtements…  J’aurais aimé être hôtesse de l’air, je voulais sortir de l’ambiance de province, du cocon du village dans lequel je vivais pour expérimenter un autre mode de vie, celui des citadins. »

Face à ces évènements, certains jeunes ont pu bénéficier des soutiens sociaux de leurs parents et/ou de leurs amis pour y faire face.

C’est le cas de Toni : « Mes amis avaient le rôle primordial dans les décisions que j’ai prises sur le plan du travail… Pour les décisions relatives à mon travail, j’ai consulté mes copains… Mes amis Hicham et Jad  m’ont aidé à surmonter ma peur et à dépasser cette étape, ils m’ont aidé physiquement et moralement de façon bénévole. »  

  • Absence de reconnaissance sociale au travail

Une attente de reconnaissance est attendue au cours de l’activité de travail, reconnaissance liée au sentiment d’être utile socialement. La non reconnaissance sociale suscite  une expérience douloureuse (celle d’absence de reconnaissance).

 

Quatre jeunes (trois garçons et une fille) évoquent l’absence de reconnaissance au cours de leur activité professionnelle. C’est le cas de Firas : « Le patron nous épuise au travail, il ne nous paie pas à temps, il nous offense avec de gros mots pour des raisons minimes, il ne nous remercie pas, il ne nous adresse aucun compliment même si le travail est parfait, il se contente de dire  ‘‘tu dois mieux faire’’. »

Cette attente de reconnaissance et de soutien social concerne à la fois :

  • une mauvaise qualité de la relation entre parents et C’est le cas de Firas : « Mon père m’a beaucoup frappé devant les gens  quand je commettais des erreurs… Mon père m’a forcé à travailler dans ce domaine. Selon lui, le métier d’orfèvrerie est un ‘‘ métier d’or’’… Je n’aimais pas les professeurs, leurs méthodes d’enseignement et d’apprentissage qui s’accompagnaient d’insultes, d’attaques violentes et de coups. Dans de telles situations, on finit par s’enfuir de l’école. »
  • les faibles soutiens sociaux globaux dont chacun peut bénéficier dans son groupe social. C’est le cas de Rita : « mes parents n’ont pas joué leur rôle dans ma situation… Ils ne sont pas intervenus, ils m’ont laissé décider seule. Si mes parents m’encourageaient maintenant à revenir à l’école (…) je le ferais tout de suite. »
  • L’équité et la justice sociale

Ces thèmes  nous ont permis de repérer la revendication qui vise à améliorer l’équité et l’égalité dans la société où l’on vit ainsi que dans le cadre du milieu du travail.

Six jeunes (3 garçons et 3 Filles) revendiquent davantage d’équité et  d’égalité. C’est le cas de Aicha : «  Il est impératif d’être bien traitée et qu’on ne me mette pas trop de pression pour travailler sous prétexte d’un salaire élevé, parce que ma santé est la plus importante… Rare est ma participation aux prises de décisions cruciales qui concernent les membres de ma famille… Mes chances  ne sont pas égales à celles des hommes  parce que notre société est patriarcale, elle distingue entre les hommes et les femmes en termes de responsabilités. Mais la femme est plus compatissante et il est plus facile de négocier avec elle alors que l’homme est plus rigide ». Ainsi, Fouad aborde l’injustice dans le cadre de son milieu de travail : «  Il y a des inconvénients dans mon travail. Je ne peux ni m’exprimer comme je veux, ni résoudre un problème au travail. Comme je l’ai dit, la rémunération est très faible… Il n’y a pas de sécurité sociale. Dans l’ensemble, mon travail en tant que vendeur dans un magasin de chaussures n’est pas décent… Il est injuste d’être aussi mal payé ».

 

  • L’identité actuelle et future

 Le projet professionnel et les difficultés pour faire un véritable choix professionnel

Les discours relatifs à l’identité actuelle et future, développés par les jeunes, permettent de fournir des informations sur leurs projets d’avenir, sur leurs formations et sur les difficultés qu’ils ont anticipées dans la réalisation de ces projets.

Huit jeunes (3 garçons et 5 filles) ont raconté leurs projets d’avenir. Au cours de la formation, ils ont rencontré certaines difficultés parmi lesquelles un manque de soutiens sociaux et, de façon générale, ils ont dû surmonter l’absence d’un environnement capacitant.

Ces jeunes évoquent l’absence d’un environnement capacitant. C’est le cas de Toni : « Je rêve qu’il y ait des offres d’emploi pour tous les jeunes et qu’on puisse mettre fin au chômage en améliorant l’orientation des jeunes auxquels il faut fournir des informations sur le marché du travail (à savoir l’offre et la demande)… Chez nous,  le chaos règne partout, contrairement à la situation dans laquelle se trouvent les pays européens… Je ne trouve pas de perspective d’aide à mon développement personnel et à mon insertion sociale ».

Ainsi, Rita aborde le manque des ressources et des soutiens nécessaires pour son développement professionnel : «  le salaire est minime et insatisfaisant… Ce salaire ne correspond même pas à la moitié de  mes efforts ni à la fatigue causée par le fait de rester debout tout le temps. Mon salaire ne me suffit pas et je trouve que je mérite d’être mieux rémunérée… Je suis limitée à répondre aux ordres du patron et j’exécute ce qu’il me demande… La sécurité sociale est quasiment absente… Ce que je souhaiterais  faire de tout mon cœur, ce serait de pouvoir devenir infirmière. C’est mon désir le plus fort. Tu pourrais m’aider à améliorer ma situation en me conseillant comment agir et en me disant si je dois continuer à exercer ce métier ou en  m’encourageant, en m’incitant ou en me poussant à poursuivre mes études pour réaliser mon rêve ».

La recherche de la construction d’une forme d’identité moderne

La recherche de la construction d’une forme d’identité moderne a été identifiée dans les discours des jeunes dont les caractéristiques sont la liberté,  l’affirmation de  la famille et de la vie professionnelle qui prennent  une place importante dans la réalisation de soi.

Neuf jeunes (5 garçons et 4 filles) cherchent à se construire cette identité. C’est le cas de Mahdi : « « Mon travail m’assure tout ce dont j’ai besoin, moi je ne suis pas très éduqué et maintenant on  ne décide rien sans prendre mon avis… Mon travail et ma fiancée sont les plus importants dans ma vie en ce moment… Je veux me marier et j’essaie d’arranger la situation… .J’aimerais développer mon travail dans les prochaines années… Je veux améliorer encore davantage mon travail et  c’est ce qui m’occupe l’esprit du côté de l’avenir.  J’essaie de combler les manques comme toutes les personnes, et d’évoluer. La sécurité est un facteur important pour renforcer la tranquillité d’esprit. Je paie actuellement des versements pour la maison et lorsque j’aurai terminé les versements je vais me marier. Ma fiancée me soutient et, quand elle sera  à côté de moi, de moi j’évoluerai davantage ».

Pour Chadia, ses priorités sont de fonder une famille et d’avoir un travail : « J’aimerai fonder une famille…. Etre comme mon père autodidacte travailleur indépendant, me réaliser avec mon propre effort, assumer mes  responsabilités  sans ennuis, sans plaintes ».

Description d’études des cas en fonction de différents thèmes évoqués dans la définition du travail décent par l’Organisation Internationale du Travail

  • Cas d’un jeune ayant une perception du travail peu décent

Toni est âgé de 24 ans. Son plus haut diplôme obtenu est le brevet. Il est mécanicien. Il considère que son travail est satisfaisant parce qu’il n’a pas trouvé mieux et qu’il n’a pas à travailler en dehors de son horaire. Il  ne bénéficie pas de la sécurité sociale et son emploi du temps est surchargé. Le nombre des employés est insuffisant et ils sont obligés d’aider les autres employés à faire leurs tâches. Parfois, la quantité du travail devient si énorme qu’il n’arrive pas à supporter cette tension et ce stress. Dans son travail, il dispose d’une certaine liberté pour agir et il est le seul responsable dans son travail : c’est lui  qui prend les décisions en l’absence du patron – qui est son cousin. Ce qu’il apprécie dans son travail, c’est les bonnes relations entre les employés et l’absence de maltraitance. La chose la plus importante pour lui, c’est que personne ne l’oblige à faire quelque chose qu’il ne veut pas faire.

  • Cas d’une jeune femme ayant une perception du travail plus décent

Fida est âgée de 23 ans. Elle a abandonné l’école  en classe de 6e. Elle travaille dans une boutique pour femmes voilées (djellabas et foulards). Son travail est facile et pas très fatigant. Le salaire est convenable par rapport aux conditions du travail  (horaires, congés, marges de liberté) .Les clientes l’aiment beaucoup et elles viennent acheter dans son magasin parce qu’elles sont satisfaites d’elle. Personne ne s’est jamais plaint d’elle auprès du patron. Elle a parfois des pauses pendant lesquelles elle peut parler avec  ses voisines, ses amies. Parfois, elle discute avec la patronne. Les patrons sont gentils avec elle, ils la traitent comme s’ils étaient ses parents. Elle a  toute liberté de faire ce qu’elle veut parce que les patrons ont confiance en elle. Les patrons la traitent bien pour cela, elle est très attachée à ce travail et elle ne pense pas le quitter.

Discussion

               L’objectif de cette recherche consistait à explorer les représentations que des jeunes Libanais – qui travaillent en étant peu ou non qualifiés – ont du travail en général, de leur travail actuel et de leur situation actuelle en lien avec la thématique du travail décent. Les analyses qualitatives des témoignages des jeunes peu qualifiés nous ont permis de dégager des proximités entre certaines de leurs représentations relatives au travail. Ils ont des idées précises et communes sur ce que devrait être le travail : un moyen permettant de gagner de l’argent et d’accéder à la consommation, contribuant à la construction identitaire  ainsi qu’un moyen de satisfaction, et l’occasion de faire la connaissance de nouvelles personnes.

                 De plus, selon eux, un « bon travail » devrait être important, intéressant, organisé, plaisant, vécu comme un point fort, fructueux, rentable, en accord avec ses valeurs. Par contre,  un « travail perçu comme non décent » est liée à des conditions de travail difficiles, à l’absence de reconnaissance liée au sentiment d’être utile socialement, à l’absence d’équité et d’égalité, ainsi qu’à de mauvaises relations sociales vécues dans le cadre de leurs activités de travail. A ce propos, Dejours (2009a) met en évidence l’importance de prendre en compte de manière particulièrement riche et détaillée tout l’investissement subjectif opéré par les individus dans leur travail, un travail qui comprend à la fois des dimensions corporelles, émotionnelles, cognitives et morales. Les mauvaises relations sociales dans le cadre de leurs activités de travail les obligent à réaliser des activités entrant en conflit avec leurs valeurs morales. Dans ce cas, il y a un élément fort de « fausse conscience » relativement à la situation sociale dans la conception de Sartre (1960)  ou « d’inauthenticité » (Gecas, 1991), et une expérience  d’étrangeté par rapport à soi. Cette adaptation est caractéristique de ce que Seeman (1996) a décrit comme le “soi travesti”, une forme de soi aliéné impliquant une privation de la conscience vraie ou de ses sentiments, une condition de « fausse identité » survenant à l’occasion d’une situation d’ajustement obligé d’un individu à une identité stigmatisée ou stéréotypée.

                 Les entretiens mettent en évidence le fait que beaucoup de jeunes travailleurs sont des employés qui mettent leur santé en danger en travaillant dans des conditions de travail difficiles : ils sont en contact avec des produits chimiques dangereux, portent des charges trop lourdes, la sécurité sociale est quasiment absente et la quantité du travail est parfois énorme. Leur salaire est très bas et ne leur permet pas de vivre décemment pour la plupart d’entre eux. Certains emplois sont perçus comme plus décents que d’autres. Les jeunes  qui ont rencontré certaines difficultés parmi lesquelles un manque de soutiens sociaux et qui, de façon générale, ont dû surmonter l’absence d’un environnement capacitant qui leur aurait pu leur permettre de développer de nouvelles compétences et connaissances, d’élargir leurs possibilités d’action et leur degré de contrôle sur leur tâche et sur la manière dont ils la réalisent, et, ainsi, de renforcer leur autonomie (Clot, 2010) ont beaucoup de mal à accéder à un travail décent.

                 Les résultats montrent que la plupart des filles trouvent dans le travail un moyen d’être indépendantes, de se réaliser elles-mêmes, et une source de satisfaction. Ce résultat peut s’expliquer par le fait que les filles n’ont pas la liberté de sortir et de travailler comme les garçons. La construction d’une forme d’identité moderne dont les caractéristiques sont la liberté,  l’affirmation de  la famille et de la vie professionnelle, est un objectif qui prend une place importante dans la réalisation de soi (…) chez beaucoup de jeunes (Pellois, 2004).

Conclusion

                 La définition du « travail décent » de l’ILOT fournit un cadre large utile pour  constituer une première grille d’évaluation des situations de travail des jeunes. Il est utile de prendre en compte et d’analyser à la fois les aspects subjectifs et les aspects objectifs des conditions de travail. Des études qualitatives portant sur un échantillon plus large peuvent nous permettre d’identifier les différentes manières dont les jeunes peu qualifiés vivent leur travail informel et aussi les différents perceptions que ces jeunes en ont afin d’améliorer leur situation.

Implications pratiques. Cette recherche permet d’identifier des pistes d’intervention possibles pour le conseil en orientation professionnelle comme la sensibilisation des conseillers d’orientation durant leur formation initiale aux techniques d’accompagnement en orientation. Ces formations pourraient s’articuler autour de plusieurs axes.

Un premier axe consisterait à permettre aux jeunes de disposer d’un espace pour réfléchir à leur situation et pour élaborer des récits. La rédaction du récit de leur parcours de vie scolaire et professionnelle pourrait contribuer à verbaliser leurs compétences.

Un deuxième axe pourrait porter sur l’identification de leurs représentations du travail et sur l’apport d’informations sur les métiers et les activités professionnelles disponibles dans leur contexte social car les informations sur le marché du travail leur manquent.

Un troisième axe viserait à les aider à améliorer leur situation professionnelle ou à exercer une autre activité en développant de nouvelles compétences en s’engageant dans une formation professionnelle.

Un quatrième axe permettrait d’aider les jeunes à identifier les leviers en termes de ressources relationnelles, environnementales et des capacités potentielles qu’ils peuvent mettre en œuvre pour améliorer leur situation au travail actuelle et dans leur vie future. Il existe une hiérarchie dans l’économie informelle et : certaines personnes se trouvent dans de meilleures conditions que d’autres. Certains gagnent plus d’argent que d’autres et ont de bonnes conditions. Cependant, il est important de les aider à en savoir plus sur d’autres activités possibles et à essayer d’intégrer l’économie formelle. Ce n’est que dans le cadre de l’économie formelle qu’ils pourraient bénéficier des droits fondamentaux au travail, d’une sécurité au travail, d’une protection sociale ainsi que d’une liberté d’exprimer leurs préoccupations, de s’organiser et de participer à la prise des décisions.  En effet,  construire  des dispositifs d‘orientation et de formation adaptés pour les jeunes sans diplôme insérés dans le marché du travail serait important (Cohen-Scali, Pouyaud, Podgorny, Drabik-Podgorna, Aisenson et al., 2018). Ainsi, il serait important de leur assurer un environnement favorable au développement de leur pouvoir d’agir. Le pouvoir d’agir est à l’intersection de la capacité d’agir (qui représente une potentialité, un ensemble de ressources mobilisables en situation par un sujet) et des conditions propres aux situations dans lesquelles les jeunes sont engagés (Pastré et Rabardel, 2005 ; Munck et Zimmermann, 2008 ; Sen, 2000).

Références

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